
Scénario : Baru
Dessin : Pierre Place
Editeur : Casterman
date de sortie : novembre 2013
140 pages
genre : chronique sociale
Nouredine est encore enfant quand son père, Lounès, décide de s’installer en France juste après la guerre d’Algérie. D’origine Kabyle, son père rencontre alors à St Nazaire un ouvrier immigré d’origine Italienne qui grâce à son implication syndicale ne tarde pas à le faire embaucher sur les chantiers navals. Les deux familles se lieront d’amitié, et les enfants, Nouredine d’un côté et Gianni de l’autre, grandiront ensemble, inséparables.
Ils suivront les traces de leurs aînés, et intégreront les chantiers navals comme ouvriers. Mais le contexte économique, social et familial n’est pas le même que celui qu’ont connu leurs parents. Sur fond de crise économique, de conflits sociaux et de crise identitaire, leur chemins se sépareront brisant le lien qui les unissait.
Les deux amis s’investissent dans la lutte syndicale, mais Nouredine mène un autre combat plus personnel, qui le mènera à une radicalisation irréversible. En quête identitaire et ayant besoin de repères, il reproche à son père ses silences sur son implication dans la guerre d’Algérie. Ces reproches finissent par le ronger de l’intérieur.

Par le biais de quelques flashbacks, et en même temps que Nouredine qui retourne sur une terre qu’il n’a jamais vraiment connue, nous apprendrons le véritable rôle de Lounès durant la guerre d’Algérie. Mais c’est trop tard pour Nouredine. Si les différents témoignages lui permettraient de redorer l’image de son père, la révolte et la rage ont envahit son cœur, et le précipitent dans le néant.
L’histoire de la famille de Lounès est une sorte de cercle infernal. Les Kabyles étant peu considérés par les Algériens après la guerre, Lounès choisit de quitter son pays et de tourner la page en refaisant sa vie en France. Pour faciliter l’intégration de sa famille, il ne raconte pas son histoire à ses enfants. Il pensait les épargner, Mais ce silence combiné aux brimades et propos racistes dont sont victimes les immigrés sur les chantiers va faire naître un sentiment d’espoirs déçus et laisser place à la radicalisation. En ajoutant à cela les difficultés économiques et les conflits sociaux, le destin de Nouredine bascule vers une violence que son père aurait certainement rejetée.

Le silence de Lounès va au-delà de la chronique sociale. Baru nous livre un récit puissant aux multiples thèmes où filiation et évènements historiques jouent un rôle majeur dans la destinée des protagonistes. Son scénario est habilement mené. La dramaturgie est à tous les niveaux et s’installe de manière progressive et irréversible au fil de chaque page.
Sur ce One shot, Baru cède ses pinceaux à Pierre Place, jeune dessinateur dont le style est assez proche du sien. Si certaines expressions sont un peu exagérées et certains personnages pas toujours facile à reconnaître notamment entre les changements d’époques, l’ensemble est visuellement très agréable et surtout très bien construit. Le découpage est agrémenté de quelques dessins en pleine page accordant ainsi des points de respiration dans la lecture.
« Le silence de Lounès » est un récit intense et dense, à tel point que certains thèmes abordés pourraient faire l’objet d’un ouvrage à part entière.
Une lecture prenante qui demandera une forte attention sans quoi l’on risque d’être un peu perdu dans les flashbacks.
Ma note 7/10
Loubrun

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