BAD BARTJE – Tome 1: Acta est fabula.

Bad Bartje, Paulo, Falzar, Kennes, 04/2014Dessin : Marco Paulo – Scénario : Falzar

Editions Kennes

Sortie : 23/04/2014

49 pages

Prix conseillé : 13,50 €

ISBN : 9782875800237

Belgique, politique, humour, De Wever.

 

Résumé (de l’éditeur) : Fin des années 70. Bartje est un petit belge comme les autres.
Enfin presque…Il ne peut pas s’amuser tout à fait comme les autres car il a une mission.
Un Destin. Il le sent, il le sait. C’est lui qui va écrire l’Histoire. Et ce n’est pas une histoire belge. Ni une histoire drôle.

Bad Bartje, Paulo, Falzar, Kennes, 04/2014

Mon avis : « Bien entendu, toute ressemblance avec des personnes existante ou ayant existé serait pure coïncidence… » C’est la phrase d’entrée que l’on peut lire sur le site des Editions Kennes qui publie cet album. Dimitri Kennes, un ancien de chez Dupuis, a lancé sa propre maison d’édition et maintenant se lance dans la publication de bandes dessinées. Nous avons donc reçu en primeur cet album belgo-belge, un peu un ovni dans le paysage belge de la bande dessinée où les albums à connotation politique sont peu nombreux, à la différence de la France où les albums ont fleuri sur Nicolas Sarkozy ou autre François Hollande.

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NDLR: »Momaaaaan, je n’sais pu djazer! »:C’est du wallon. Cela veut dire: « Maman, je ne sais plus parler(wallon) ».

D’abord parlons du titre. « Bad Bartje ». Une locution anglo-flamande qui veut dire en français « Le méchant petit Bart ». Pour nos amis francophones, ignorant de la politique belge, je dois maintenant passer par un plantage de décor, une explication du phénomène « Bart De Wever » car c’est de lui qu’il s’agit ici, le cauchemar de tous les partis politiques en Belgique en vue des élections qui se pointent pour le 25 mai 2014 (européenne, fédérale et régionale). On annonce un raz-de-marée en Flandres du parti de Bart De Wever, la NVA.

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Bad Bartje, Paulo, Falzar, Kennes, 04/2014Lors de la crise politique de 2010-2011 qui a duré 541 jours, où la Belgique a vécu de façon surréaliste sans gouvernement, un personnage très controversé est apparu comme le personnage central de la pièce qui se jouait au niveau politique. Il s’agit de Bart De Wever (De Wever veut dire « Le tisserand » en français). Avec son parti, la NVA, il réclame l’indépendance de la Flandre qui en a marre de subsidier la Wallonie et sa cohorte de « fainéants ». La NVA est aussi à la droite de la droite. Elle appelle au renvoi des étrangers non désirés, l’arrêt de nombreux programmes sociaux, la réduction du budget de l’Etat de 10% tout de suite, la réduction des prérogatives de l’Etat Fédéral au profit des régions et plus particulièrement la région flamande, demande la fin de la Royauté, etc…La direction de la NVA a des connections avec le FN en France, même s’il haïssent les francophones… Je vous passe les détails. Entre-temps, Bart De Wever est devenu le bourgmestre d’Anvers. Anvers est devenu le laboratoire de De Wever et de la NVA, avec des fortunes très diverses. C’est l’homme le plus populaire en Flandres et est crédité d’après les sondages à plus de 30% des voix en Flandres des intentions de vote de l’électeur flamand. Mais dans ce même sondage, 75% des électeurs de la NVA ne veulent pas entendre parler de la scission de la Belgique…Bonjour le surréalisme à la belge!

Bad Bartje, Paulo, Falzar, Kennes, 04/2014

Bad Bartje, Paulo, Falzar, Kennes, 04/2014

Bad Bartje, Paulo, Falzar, Kennes, 04/2014L’histoire personnelle de Bart De Wever vaut aussi le détour…Issu d’une famille de nationalistes flamands dont le grand-père, avait été secrétaire du Vlaams Nationaal Verbond, un parti flamand d’extrême droite de l’entre-deux-guerres, reconnu parti unique par l’occupant nazi. Son grand-père a été condamné après la guerre de 1940-1945 à la prison et à la déchéance de ses droits politiques pour collaboration avec l’occupant (les anciens parlent des « inciviques »). Cette famille a toujours milité pour l’indépendance de la Flandre et « vomit » la Belgique

Bart de Wever en 2008 et actuellement.

Bad Bartje, Paulo, Falzar, Kennes, 04/2014(« Belgie barst ! »: Que la Belgique crève !).Bart De Wever est historien de formation et féru de l’antiquité et de l’époque romaine. Jules César, il adore. Lors de ses interventions, il agrémente celles-ci de citations latines (d’où le titre de l’album : acta est fabula).Au départ, il était obèse, une obésité presque morbide à tel point que ses médecins lui ont dit qu’il devait de toute urgence se reprendre en main. Lors de la crise des 541 jours, les négociateurs pour la formation du nouveau gouvernement

ont révélé que De Wever se goinfrait de nombreuses gaufres de Liège pendant les réunions. D’ou son surnom de l’époque. De Wever était devenu « De Wafel » (la gaufre en flamand) ce qui justifie une série de gags dans l’album. Il a médiatisé le régime draconien qu’il a suivi et il a perdu pas loin de 40 kilos en peu de mois grâce à une méthode de régime mystérieuse, pas très naturelle. On le voit courir en jogging, participer à des courses populaires…Le rondouillard De Wever se transforme radicalement pour devenir un homme mince, sec et cassant.

Bad Bartje, Paulo, Falzar, Kennes, 04/2014Pendant les négociations politiques, il joue systématiquement la montre, critique tout, refuse les discussions à plus de deux personnes, privilégie les discussions en tête à tête, et enfin de compte enlise la situation politique de la Belgique. Bref, il sabote le fonctionnement de la Belgique, jusqu’à ce que les autres partis flamands prennent enfin leurs responsabilités et forment un gouvernement sans De Wever. La Belgique devenait petit à petit un bateau ivre, il fallait faire preuve de courage politique après 541 jours d’enlisement. Il a une science incroyable de la communication et rejette la faute sur les autres alors qu’il a tout fait pour que la Belgique ne fonctionne plus. A l’heure actuelle, il n’a rien perdu de son potentiel politique et de sa capacité de nuire à la Belgique. L’avenir nous dira la suite de son histoire après les élections du 25 mai 2014.

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Dernière péripétie en date, c’est l’affaire des pandas ! Le très dynamique parc à thème « Pairi Daiza », situé en Wallonie, a négocié avec la Chine l’arrivée d’un couple de Pandas. La Chine accepte. C’est pour la Belgique un signe de confiance immense de la part de Chine qui pratique la politique des pandas comme un outil marketing de première force. Le premier ministre Elio Di Rupo en remet une couche. Il est sur le tarmac de l’aéroport à l’arrivée des deux sympathiques animaux pour les accueillir en grande pompe. Ils sont reçus comme on reçoit des hommes d’état. L’avion qui les transporte est peint spécialement pour la circonstance aux couleurs du transporteur (DHL) et du parc. Bref, grosse publicité pour Pairi Daiza qui voit ainsi récompenser son travail énorme et efficace dans l’ombre. Bart De Wever, bourgmestre d’Anvers, se réveille et apparaît dans une émission de télévision « people » déguisé en panda. Sur le ton de l’humour, il s’attaque à Pairi Daiza qui bénéficie d’un paquet de subsides wallons, de la bienveillance du premier ministre wallon qui favorise la Wallonie. Le « pauvre » mais réputé zoo d’Anvers méritait bien plus que les wallons la présence sur son territoire des deux illustres plantigrades. Bref, la Wallonie a encore une fois grugé la Flandre…De Wever crie au scandale ! La réponse de Pairi Daiza ne va pas tarder… Non, Pairi Daiza n’a reçu aucun subside et c’est le résultat de leur expertise, leurs contacts directs en Chine, de leur travail de longue haleine, leur sérieux. Le Zoo d’Anvers n’a jamais fait la moindre demande à la Chine pour avoir les pandas et en plus il bénéficie de subsides illégaux de la région flamande. Pairi Daiza donc réclame le remboursement de ses subsides par le zoo D’Anvers mais invite Bart De Wever a faire une visite en Wallonie pour rendre visite aux pandas. Il est le bienvenu ainsi que le public flamand. Voilà Bart De Wever pris au piège de sa propre rhétorique et remis à sa place. (Le communiqué de presse humoristique de Pairi Daiza : ICI).Voilà pourquoi vous trouverez des pandas dans l’album…

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Les auteurs sont Marco Paulo au dessin et Falzar au scénario. Paulo a déjà pas mal de références et de parutions dans le monde de la bande dessinée. Il a sorti la bande dessinée sur Rachida Dati en 2013 (Au nom du père) qui lui a valu un retentissement médiatique en France suite à une tentative avortée d’interdiction de sa parution. Falzar est un scénariste qui a travaillé chez Dupuis et le journal de Spirou. En 2013, il publie chez Sandawé l’album « zozoland » (chronique sur Samba BD : ICI) et « Plus belge la vie » publié à la renaissance du livre.

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L’album a été imprimé chez Lesaffre en Belgique et est très bien réalisé. La couverture est aux couleurs du drapeau national belge : noir, jaune, rouge. Il représente un Bart De Wever jeune avec un sourire sardonique, une boite d’allumette qui sort de sa poche, et la Belgique et Bruxelles en feu dans l’arrière plan. Il s’agit d’un livre d’humour. Nous sommes dans la caricature, une entreprise de dénigrement systématique qui ne va pas plaire à tout le monde. Certains parlent de « De Wever bashing ». Le principe de l’album est de raconter l’enfance du petit Bartje. Tout au long des planches, Bartje cherche une victime, rejette la faute sur l’autre, passe pour un monstre sans cœur qui a une destinée bien tracée. La série est actuellement en prépublication dans les journaux du groupe Sud presse, le plus important groupe de presse belge en francophonie. La presse flamande en a fait écho et reste à ma grande surprise sur la réserve, restant très zen et polie envers l’album. Mais à ce jour, l’éditeur n’a pas trouvé d’éditeur flamand d’accord de publier l’album en néerlandais. Certains disent qu’en Flandres, De Wever fait peur et que certains libraires et commerciaux craignent des vitrines brisées si l’album est exposé.

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Le dessin est dans le plus pur style franco-belge. C’est classique. Le personnage est bien croqué. On peut y voir d’autres politiques flamands (Wout, Kris, Flupke,…). J’ai d’abord lu planche par planche l’album via le journal « La Meuse ». Je n’ai pas trouvé l’album très top. Des gags répétitifs, un peu basiques parfois, très « premier degré ». Par la suite, après avoir reçu l’album à la maison, j’ai relu les gags dans leur continuité et je dois reconnaître que cela forme ainsi un album plus compact, plus cohérent. Certains gags m’ont bien plu mais ce n’est pas non plus la 7e merveille du monde. C’est un très bel objet « marketing » qui sort à un moment bien choisi, un mois avant les élections, qui sera en librairies et en grandes surfaces du coté francophone sous les feux de l’actualité. Les Editions Kennes y ont vu un excellent coup, ils savent y faire…

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Vous aurez compris que, pour moi, ce n’est pas un album qui « déchire » mais il s’agit d’un produit dans l’air du temps. Je ne vais pas parler d’un album « gentil » mais plutôt « vénéneux ». Le journal flamand «De Standaard » parle d’un petit Nicolas en négatif. C’est flatteur mais avec la poésie en moins et cela fait une grosse différence. Je pense que l’album va fonctionner mais quand je vois la mention « tome 1 », je me pose quand même des questions…J’ai même vu un site en faire un « coup de cœur » mais il s’agit probablement aussi d’un effet marketing…Certains sites spécialisés en bande dessinée trouvent tous les albums qui sortent extraordinaires, ce n’est pas le cas sur Samba BD…A livre atypique, chronique fleuve, voilà le résultat de mes cogitations…Chacun se fera son avis. Je me demande si l’album sort en France…Il faudra poser la question à l’éditeur…

 

Dessin :            7,0/10

Scénario :          6,0/10

Moyenne :          6,5/10

 

Liens vers le site de l’éditeur Kennes : ICI.

Liens vers Wikipédia sur Bart De Wever : ICI.

Liens vers Wikipédia sur la crise politique belge de 541 jours : ICI.

Bart De Wever déguisé en panda : ICI.

Lien vers le site de Pairi Daiza : ICI.

 

Capitol

 

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Un commentaire sur “BAD BARTJE – Tome 1: Acta est fabula.

  1. Et bien, quelle chronique exhaustive, impossible après de ne plus comprendre le phénomène De Wever .
    Comme Capitol, sympa à lire mais le type d’humour mordant est un peu trop systématique , ça manque un peu de subtilité .

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