Scénario et dessin : Jean-Philippe Stassen
Éditeur : Futuropolis
158 pages
date de sortie : janvier 2015
genre : reportage, témoignage
» On sait que ça s’est passé, mais on ne peut pas l’imaginer «
Stassen nous raconte l’Afrique. Pas celle des touristes en short ni celle des safaris photos, mais celle des africains et plus particulièrement des africains qui furent confrontés aux guerres et aux migrations qui y en découlent. Intimement lié au Rwanda, il avait déjà raconté en 3 albums (Deogratias, Pawa, et les Enfants) le génocide qui eut lieu en 1994.
De juillet 2007 à septembre 2013, il a réalisé 5 reportages publiés dans les revues XXI et La revue dessinée. Entre le Rwanda, le Congo, la Belgique, L’Espagne, la France, le Maroc et l’Afrique du Sud, ses voyages l’ont mené à la rencontre de populations qui ont vécu au mieux la misère, au pire le génocide. Sans tabous, sans donner de leçons mais sans non plus cacher ses convictions, Stassen nous restitue ses dialogues d’avec des migrants candidats à l’exil en Europe, des anciens enfants-soldats du génocide Rwandais, des rescapés du génocide, un artiste sud-africain. C’est dense, difficile, parfois insoutenable. Mais c’est riche d’enseignements tant l’histoire de ces régions est complexe et habitée par la violence et l’espérance, et à mille lieues de nos vies bien rangées d’Européens nantis.
Le style narratif du dialogue raconté entre l’auteur et les personnages, nous plonge de suite dans l’ambiance. Le politiquement correct et la langue de bois n’ont pas leur place dans ces récits et le lecteur n’en sortira pas indemne.
Le fait d’être face à des témoignages d’anciens enfants-soldats ou de survivants nous ouvre les portes de l’enfer. On découvre avec terreur ce qu’ont pu vivre et commettre des enfants enrôlés dans les milices ou même dans les armées « régulières ». Le plus effroyable c’est de voir que certains témoignages sont racontés de manière hyper simple, sans haine, comme s’il s’agissait juste d’une expérience. Ils ont vécu des choses absolument inimaginables, et ensuite ils passent à autre chose, presque comme si de rien n’était.Les gens ont cette faculté à se détacher des évènements passés ce qui leur donne la force nécessaire à se reconstruire malgré les rancœurs encore tenaces et le racisme entre les ethnies quasi omniprésent.
Nous pauvres européens aux existences confortables, qui crions à la catastrophe dès qu’un train est immobilisé en rase campagne, ne supporterions pas le centième de ce que tous ces gens ont vécus et devrions relativiser tous nos petits malheurs. Quelles que soient les horreurs qu’ils ont vécues ou commises, ces témoins restent dignes et se racontent sans pudeur en nous faisant part de tous leurs sentiments. La guerre les a détruits, mais ils sont encore capable de vous parler d’amour, de tendresse et des petites choses de la vie.
I comb Jesus demande de l’investissement de la part du lecteur et ne laisse pas indemne. Le politiquement correct n’a pas sa place ici et les témoignages sont loin du voyeurisme aseptisé ou des sensibleries de mise dans les JT. Malgré la complexité de certains récits – notamment les rivalités entre Congo et Rwanda – rendant la lecture encore plus ardue, le lecteur appréciera la grande acuité dont fait preuve l’auteur dans cet album.
Avec son style graphique qui lui est propre – un trait épais, lourd et sombre – Jean-Philippe Stassen nous fait part avec force et émotion de ses expériences africaines et de la vraie vie des africains.
Loubrun
Tjs tres dur, tjs tres juste les recits de Stassen. Belle chronique. Et bien d’accord avec toi sur les pôvres européens confrontés à un retard de train ….:-(
A méditer !
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