
Scénario : Pastor, Anthony
Dessin : Pastor, Anthony
Couleurs : Pastor, Anthony
Dépot légal : 05/2012
Editeur : Actes Sud – l’An 2
Planches : 160
Parti chercher des cigarettes depuis trois ans, Robert, détective privé, a laissé seule Sally avec son lot de questions, de dettes, d’amertume, de solitude et deux ados à charge. Pour survivre Sally a repris bon an mal an l’activité de Robert. Elle accepte de répondre aux questions d’Oswaldo, poète en galère, victime d’un mystérieux tir de fusil….
Anthony Pastor nous avait laissés avec des étoiles dans les yeux sur son très bon « Las Rosas », sorte de western moderne à l’eau de rose où se mêlaient les sentiments et la critique sociale. Il récidive ici dans un one shot aux couleurs pastelles. Comme une marque de fabrique, Anthony Pastor s’amuse à mélanger les genres du polar, de la comédie douce-amère et de la tragédie. A la lecture de ce brillant pamphlet, toi lecteur, tu seras frappé par l’antagonisme entre la banalité de l’histoire et la virtuosité de Pastor à les révéler.
Banal, ce patelin perdu au fin fond du désert Nord-Américain ! Quatre baraques, un bowling, un Drug store : il émane de cette agglomération une atmosphère poisseuse d’ennui et de tristesse. L’auteur s’amuse même à souligner les contraires pour épaissir le décor dérisoire (il neige là où il devrait faire chaud…).
Banals, ces personnages d’un cliché affligeant ! La femme abandonnée luttant pour sa survie, le mari perdu ayant fui ces responsabilités, le flic, ex meilleurs copain du mari, transi d’amour pour la « veuve », et enfin la victime, loin (très) du sex-symbol, est agent d’entretien.
Parmi toute cet ennui, l’auteur nous éblouit par son sens du spectacle pour en faire un récit tout à fait cohérent et attractif. Une autre de ces forces est de parsemer le récit de moment apparemment creux (pauses, vacuité des échanges…). Ils permettent d’asseoir les personnages, de préciser leur caractère, leurs forces et leurs faiblesses. Tous les protagonistes prennent ainsi de l’épaisseur au rythme de la narration. Ils en deviennent presque attachants. Même les personnages secondaires totalement insignifiants se trouvent éclairés par notre scénariste.
Les dessins sont déclinés sur le thème de la ligne claire. Ils surprennent. Ils donnent une sensation de vide, de non palpable. Et cela jusqu’à la colorisation parcimonieuse ou plutôt la perte de couleurs : le blanc (encore un contraire) souligne les ombres. Etonnant !
Cette bande dessinée est sur un mode cinématographique. Une pincée de Robert Altman, un soupçon de frères Cohen, ce roman graphique sur le mode de la romance est tout à fait plaisant, « surtout dans la dernière partie du livre, quand le mystère – évacué dans de belles séquences de tension – laisse s’épanouir un vrai conte de Noël à l’américaine ». On referme Castilla Drive avec une certaine surprise et un sourire en coin.
Note : 7,5/10
Tigrevolant


J’y rejetterez un œil si je trouve cet album , tu as bien titiller ma curiosité avec ta chronique Tigre.
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