Dessin : Grégory Panaccione
Editeur : Delcourt (Mirage)
224 pages
date de sortie : octobre 2014
genre : roman graphique muet
Ou comment retrouver un mari perdu grâce à une galette bretonne
Résumé
Chaque matin, Monsieur part pêcher au large des côtes bretonnes. Chaque matin, Madame prend soin de Monsieur en lui préparant son petit déjeuner – une galette jambon oeuf fromage – et en lui préparant son casse croute pour la journée – quelques boites de sardines. Monsieur en a marre des sardines ; alors Monsieur râle. Madame en a marre de Monsieur qui laisse trainer ses affaires dans la salle de bain ; alors Madame râle. Cette journée commence comme toutes les autres, Mais ce jour-là un évènement va tout bouleverser. Le petit pêcheur est pêché par un effrayant bateau-usine. Monsieur ne revient pas au port et Madame l’attend. Sourde aux complaintes des bigoudènes, convaincue que son homme est en vie, elle part à sa recherche. C’est le début d’un périlleux chassé-croisé, sur un océan dans tous ses états. Une histoire muette avec moult mouettes. Et quelques sardines.
Un océan d’amour est une perle rare au milieu d’un océan éditorial. Le prolifique Lupano frappe un grand coup avec ce pavé de plus de 200 pages. Et le prolixe Lupano va en surprendre plus d’un ! Lui qui est maintenant réputé pour nous servir des scénarios aux petits oignons avec des dialogues taillés à la serpe dignes des meilleurs Audiard, le voilà qui nous sort une histoire totalement muette où tout son sens de la narration doit passer par l’image. Quel défi ! C’est que chez Lupano, le moindre détail à son importance et ce qui ne pourra être dit, devra être montré.
Qui d’autre que le talentueux Gregory Panaccione, spécialiste du genre (Toby mon ami, âme perdue, match), pour relever le défi ? Il m’avait enchanté avec son dernier album dans lequel il raconte point par point un match de tennis complètement loufoque sans aucun dialogue.
Le duo fonctionne à merveille. Panaccione fait passer la verve de Lupano avec un dessin faussement naïf et hyper expressif où chaque détail contribue à la narration. En combinant un découpage chirurgical et un trait simpliste où l’expression prédomine, le lecteur se passe allègrement des dialogues car il ne regarde pas les images, mais il les lit. Pas de doute, ces deux là sont fait pour s’entendre tant ils ont le même souci du détail.
Ce livre a beau être muet, il n’en est pas pour autant dépourvu de coups de gueule. C’est aussi un peu la marque de fabrique de l’auteur. Avec humour et tendresse, il réussit à dénoncer quelques travers de notre société comme la pêche industrielle, la pollution avec le dégazage des cargos en pleine mer, le continent plastiques, la piraterie, les croisières dans les paquebots immeubles… Dénonciations certes un peu faciles et de bon ton, mais qu’il est toujours bon de rappeler.
Lupano n’a pas son pareil pour trouver des anecdotes drôles et originales qui font partie intégrante de l’histoire. Ainsi, cette séquence de la voyante qui lit l’avenir dans les galettes bretonnes est jubilatoire.
Les 220 pages s’avalent d’une traite et c’est avec un sourire béat de satisfaction que l’on referme ce livre. Alors, pour prolonger cet instant de bonheur, on reprend tout depuis le début et on se ressert avec délice un grand bol d’air frais en suivant ce petit bonhomme de pêcheur et sa bigoudène de femme prête à toutes les folies pour retrouver l’amour de sa vie.

Loubrun








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Scénario 
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