Environnement toxique.

Auteure : Kate Beaton.
Editeur : Casterman.
Sortie : le 8 mars 2023
440 pages.
Genre : tranche de vie, sociologie, roman graphique.

« Je pourrais exploser tellement j’ai ravalé ma dignité pour cette boite. Et tout ressort maintenant parce que je m’en vais et que je n’ai plus besoin de la ravaler.»

Un témoignage nécessaire fort et sensible dans la lignée de #Metoo

Pour rembourser son prêt étudiant, Kate n’a guère le choix : elle doit quitter sa Nouvelle-Écosse natale pour aller travailler à l’autre bout du Canada, dans l’ouest lointain, là où l’on extrait le pétrole des sables bitumineux. Souvent isolée, naviguant de site en site, la jeune femme découvre un monde marqué par le harcèlement quotidien et le sexisme de nombreux collègues masculins. Sans se départir de son empathie ni de son humour, soutenue par des allié.e.s de confiance, Kate s’interroge sur la violence de son univers professionnel, qu’il s’agisse des relations humaines ou de l’exploitation forcenée des ressources naturelles. A-t-elle mis les pieds dans un univers parallèle, ou cette violence n’est-elle que le reflet de notre société ?

Mon avis.

Parfois le terme roman graphique est assez galvaudé mais avec ce titre « environnement toxique » il n’a jamais été si juste. Et sur ses 440 pages, il y en a des choses à dire.
Au début en voyant la couverture et le titre, je m’attendais à une BD dénonçant la pollution dans les entreprises mais non il s’agit plutôt de pollution psychologique au sein d une grande société. 
Tout commence il y a 20 ans quand Kate rejoint cette boite à l’effectif essentiellement masculin. C’est un environnement que je connais bien et donc je ne peux que confirmer les blagues lourdingues, le sexisme notoire et l’isolement qui peut en découler et encore ce qu’a vécu Kate vous pouvez y mettre un exposant 2. Une jeune femme parmi tous ces coqs, c’est un peu comme une créature dans un aquarium et le harcèlement est quasi quotidien. On peut aisément penser qu’écrire ce roman graphique a été l’occasion pour l’autrice d’enfin mettre des mots sur ce qui était difficilement avouable à l’époque et de faire une sorte de thérapie sur cette période de sa vie. J’ai vraiment ressenti cette souffrance en lisant ce titre, presque un cri de révolte.
On apprend aussi comment cette jeunesse canadienne s’endette pour réaliser leurs études. Comment des industriels spolient des terres ancestrales et autres joyeusetés de notre belle société industrielle.
Pas mal de sarcasme aussi sur la sécurité au travail qui nous prend souvent pour des gosses de 3 ans, d’ailleurs c’est un peu ça maintenant, on travaille avec des consignes valables dans des crèches ! Tout ça sous le prétexte de ta santé ! Mais on t’oblige à travailler de nuit, le dimanche, faire des heures sup et à oblitérer ta vie sociale… Cherchez l’erreur !
Bon je m’éloigne du sujet principal des violences sexuelles et sexistes au travail. Et je dois dire que les chiffres font peur. 1 femme française sur 5 est confrontée à une situation de harcèlement. 30% n’en parlent à personne. En France 5 % des cas sont portés devant la justice dont 85% sont classés sans suite . Affolant non ?
Kate Beaton se raconte donc d’une façon assez pudique mais pleine de spontanéité (avec aussi quelques longueurs) sur son vécu accompagné d’un dessin plutôt dépouillé dans le style « indépendant » assez expressif et doux.
Une chronique contemporaine du quotidien des travailleurs isolés, accablés par la violence de leur environnement. Une jolie façon de briser le silence et de changer les mentalités. Allez on y croit !

Sambanada.