Autrice : Sandrine Martin
Éditeur : Casterman
208 pages
Date de sortie : 7 avril 2021
Genre : bio-fiction, société, immigration
« Des bombardements, comme d’habitude. Quand on ne les entend plus, on commence à s’inquiéter… Aujourd’hui, aucun camion de livraison n’a pu rentrer dans le quartier. Je lui sers quoi à ton père, le matelas cuisiné en ragoût ? … »
Présentation de l’éditeur :
Entre Grèce et Syrie, deux parcours de femmes tournés vers l’espoir et la reconstruction.
En 2016, Sandrine Martin s’est rendue en Grèce avec le projet EU Border Care et a suivi les sages-femmes et les médecins qui prennent en charge les réfugiées pendant leur grossesse. Cette expérience humaine marquante lui a inspiré un récit bouleversant qui entremêle le parcours de deux femmes que les grandes crises contemporaines vont confronter à l’exil : une sage-femme grecque et une jeune syrienne.
Un roman graphique d’une grande acuité, qui témoigne autant de l’enlisement de la société grecque que de l’espoir et de l’énergie déployés dans l’expérience de déracinement.
Mon avis :
À moins de le vivre soi-même, il est difficile d’imaginer ce qu’implique l’immigration, ni même la précarité accrue en Grèce depuis la crise économique. Dès lors, on ne peut que suivre avec bienveillance l’existence de Mona et Monika qui se rencontrent pour la première fois dans un hôpital. L’une est une immigrée enceinte, l’autre sage-femme.
Mona a tout quitté en espérant un avenir meilleur en Allemagne. Mais pour ce faire, difficile de suivre et/ou attendre les moyens légaux. Quels sont-ils d’ailleurs ? C’est un point très peu, voire jamais, abordé dans les écrits ou les médias… Alors pour rejoindre l’Europe, il faut d’abord gagner la Turquie avec un premier groupe de passeurs. Ensuite, la traversée de la mer Égée afin d’atteindre la Grèce sur un frêle esquif bondé de personnes n’ayant jamais navigué ; abandonnés à leur triste sort par des « marchands d’espoir » pas même capables de fournir le transport complet pour lequel les réfugiés ont payé si cher.
À chaque escale : un camp de fortune, une tente, le coin d’une pièce divisée en petites cellules pour plusieurs familles, un aéroport désaffecté, et l’attente… toujours craindre d’être renvoyé au point de départ. Espérer. Toujours. Remuer ciel et terre pour une nouvelle destination. Idéalement, pour Mona et son époux : l’Allemagne où résident des membres de la famille ; où ils espèrent élever leur enfant à naître…
Monika est quant à elle sage-femme. Un métier sous-estimé par le corps médical qui prend très peu en compte l’avis de ces expertes de l’accouchement. C’est ainsi qu’en Grèce, un nombre étourdissant de césariennes sont opérées au détriment de la méthode naturelle… une surmédicalisation pour un plus grand rendement sans doute. Mais elle n’a pas le choix de continuer à travailler. Son mari, diplômé dans le bâtiment, ne trouve pas de travail : il n’y en a plus… L’emploi est en chute libre depuis la crise économique, c’est comme ça. Empreints d’un certain fatalisme, les Grecs font au mieux, même si parfois : il faut faire des concessions, prendre des risques, …
Entre ces deux femmes, une certaine complicité s’instaure. Le point positif à cette traversée du désert pour l’une, comme pour l’autre, retranscrite par Sandrine Martin dans cet ouvrage. Chacune représente une généralité pour les femmes immigrées et les femmes Grecques, une combinaison de ce que nombre de leurs compatriotes vivent pour atteindre un idéal de vie pas évident à atteindre. Un scénario empli de véracité et un dessin intime, simple bien que réaliste, personnel, loin des schémas classiques, comme dans un journal intime ou un carnet de croquis… pour découvrir ce qui sera, elles l’espèrent, « Chez toi », chez elles.
ShayHlyn.
Encore une belle chronique Jeanne.😍
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