Interview de Denis Rodier.

Place à l’interview de Denis Rodier en rapport avec le titre de la couverture du mois de mai pour son album Arale.
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Denis Rodier est un dessinateur québécois. Dès la fin des années 1980, il travaille pour des maisons d’édition américaines grâce à DC qui lui confie, entre autres, l’encrage d’un de ses personnages stars : Batman. Il devient, dans les années 1990, le principal encreur d’un autre personnage star, Superman, et participe ainsi à ‘Action Comics’, le premier comic book à avoir accueilli le super-héros.

Denis Rodier est alors régulièrement sollicité par les éditeurs américains, dont Marvel. Il signe de nombreuses couvertures avant d’être publié en France, où en 2008, il sort, avec le scénariste Jean-Luc Istin, « L’ordre des dragons » (Delcourt).
Artiste complet, il est également musicien (batteur du groupe Specimen 13) et peintre, ses œuvres ont été exposées dans des galeries à Québec, New York, Rome, etc.
Il signe, avec Tristan Roulot, « Arale » (Dargaud, 2018), récit uchronique qui se déroule dans une Russie où la Révolution n’a pas eu lieu et où Raspoutine est encore en vie…

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Copyright Denis Rodier.

Première question, pouvez-vous nous expliquer le processus de création de la couverture d’Arale ?

Le processus de création lui-même n’a rien d’extraordinaire, mais j’aime porter beaucoup d’attention au concept et la composition. Je peux faire des dizaines de “thumbnail sketches” (des croquis de plus ou moins 3cm X 5cm). J’y établis les axes de composition et la balance des masses. Je passe ensuite à un format un peu plus grand (plus ou moins 10cm X 16cm) en portant une plus grande attention aux poses, au dessin. Il est important pour moi de mettre de côté, du moins à l’étape de la conceptualisation, tout impératif commercial, sinon, on tombe très vite dans des lieux communs (présentation du personnage, en pied qui regarde le lecteur, etc.). Une fois que je ressors de cet espace purement créatif, je prends du recul et le remets en contexte d’une couverture d’album.

Je demande ensuite l’opinion de mes collaborateurs et nous faisons une sélection d’un commun accord. Là je pousse encore plus loin en crayonné et ajuste les espaces pour les titres et autres éléments graphiques. Pour un bon exemple de cette étape, il faut aller voir la page de garde de l’album où nous avons utilisé notre deuxième choix de couverture.

Du côté de la finalisation, j’ai plutôt l’habitude de peindre à l’huile ou acrylique, mais dans le cas d’une couverture ou d’une œuvre destinée à l’impression, je préfère souvent le numérique. La reproduction photographique d’une illustration est une étape supplémentaire et chaque étape, chaque changement de support modifie toujours légèrement les teintes et les contrastes. Le passage du numérique sur écran à l’impression quatre couleurs sur papier est toujours là et réserve son lot de surprises, mais si on peut éliminer une étape, on élimine un problème potentiel.
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2-Peut-on y trouver des références ou des influences ?

Il y a un petit hommage à James Bama, superbe illustrateur nous ayant donné les couvertures des réimpressions des pulps de Doc Savage. Pas vraiment pour ses compositions très répétitives (il n’avait que quelques cm carrés pour tout mettre en place), mais beaucoup pour sa palette réduite, souvent monochrome.

Pour en ajouter une légère couche, certains remarqueront que Bama illustrait toujours son Doc Savage avec un poing fermé et une main ouverte. On peut voir Kyril adopter la même attitude. C’est un petit clin d’oeil pour les initiés.

3-La couverture est assez intrigante et oppressante, c’était l’effet désiré ?

Tout à fait. Le but premier d’une couverture est d’être intrigante pour pousser le lecteur à chercher les réponses à l’intérieur. La couverture est une question, pas une réponse. Donner la réponse sur une couverture est comme le graphisme d’une boîte de savon où, bien évidemment, on ne veut pas avoir de surprise.

L’action se déroule dans ce que nous avons appelé entre nous “le monde du rêve”, mais qui est beaucoup plus un monde de cauchemar. C’est là où se déroulent toutes les guerres de la Russie éternelle et où se retrouvent les anciens artefacts des monuments autant dédiés aux dieux guerriers ancestraux qu’aux despotes contemporains. C’est ce que je voulais montrer.
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4-Dans la chronique de Lionel, il trouvait dommage de pas avoir développé l’histoire sur plusieurs tomes. Qu’en est-il exactement ?

Nous avons choisi de concentrer le récit dans un seul album plutôt que d’allonger sur plusieurs. Personnellement, je n’aime pas devoir attendre un an pour lire la suite d’une histoire. Ce qui ne veut pas dire que nous n’aurions pas pu profiter de 10 pages supplémentaires. Tristan Roulot nous a pondu une histoire touffue et complexe, oui, mais chaque relecture fera découvrir de nouvelles nuances.

Sinon, je travaille présentement sur un roman graphique de plus de 400 pages et je n’aurais pas été disponible avant 2020, donc impossible d’avoir un nouvel album d’Arale avant 2021. Personne n’aurait apprécié d’attendre aussi longtemps.

5-Un mot sur la colorisation assez envoûtante ?

Bruno Tatti ! Notre arme secrète ! Il voulait expérimenter avec une méthode numérique qui imitait l’aquarelle et le résultat est bluffant. Le but n’était pas d’imiter purement l’aquarelle, mais plutôt d’avoir des textures où on sent le grain du papier. Mon encrage est déjà assez présent et ajouter trop de modelés était à éviter. La solution de Bruno était tout à fait appropriée.

Nous avons eu plusieurs discussions au fil de l’album, car il était important de définir la palette de couleur de chacun des univers de l’album pour bien distinguer le monde “réel” du monde du rêve. Nous avons eu alors l’idée, au moment même où je réalisais la couverture, de saturer de sang le sol du monde du rêve ce qui, si on pousse plus loin à avoir les plantes même saturées de sang.
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6- Vos prochains projets ou sorties ?

Comme je le mentionnais plus tôt, je prépare un roman graphique sur un thème historique qui fera 440 pages avec les coscénaristes Didier Alcante et Laurent-Frédéric Bollé. Il est trop tôt pour être spécifique, mais  toutes les fois où je reçois des nouvelles pages de scénario, je suis étonné de voir combien une histoire si complexe et appuyée par autant de documentation peut-être racontée d’une manière aussi fluide. Vraiment, suivre Arale, que je considère comme ma meilleure réalisation, avec ce projet m’enchante au plus haut point.

7-Si vous gagnez le titre SambaBD de la meilleure couverture 2018, on organise une grande fête ?

Certain! Assurément!

Voilà un grand merci à Denis Rodier pour avoir pris le temps de nous répondre . J’espère que vous avez apprécié ses réponses comme nous.

Samba.

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