
Dessin & scénario: Marc-Antoine Mathieu
56 pages
Editions Delcourt
Sortie le : 06/03/2013
Prix : 14,75 €
ISBN : 9782756031088
Aventure, Expérience artistique.
Le résumé de l’histoire (de éditeur) : Le décalage est le sixième opus dans l’univers de Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves. Cette fois-ci, le lecteur est invité à suivre l’errance du héros en quête de sa propre épaisseur, et les pérégrinations des personnages secondaires en quête de leur histoire. Un huis clos « outdoor » où l’absurde et la logique dialoguent de part et d’autre de l’horizon des événements.
Mon avis : La période des vacances est toujours pour moi une période de rattrapage. Submergé par les nombreuses sorties, j’achète des albums qui m’intéressent puis, faute de temps, je les laisse « en souffrance » sur ma PAL (pile à lire). Reste à attendre d’avoir plus de temps pour la lecture…Pendant l’année, je donne la priorité aux albums des éditeurs avec qui Samba BD a des accords de collaboration. Delcourt ne faisant pas partie d’une collaboration suivie à ce jour, cet album a rejoint la pile d’attente. Mais je me suis promis de le lire en priorité. J’avais beaucoup aimé « 3 secondes » du même auteur qui était une vraie expérience graphique sans dialogue à tel point qu’une discussion était née chez certains lecteurs pour savoir si il y avait bien dans cet album un scénario ou quelque chose qui pouvait en porter le nom…
Le décalage est en priorité un concept scénaristique. Suite à un décalage spatio-temporel, le héros de l’histoire a raté le départ du récit et se trouve en décalage par rapport à l’action. Il va lui falloir tout l’album pour retrouver le début de l’histoire et « retomber sur ses pattes ».
Comme tout est décalé, la couverture de l’album est la page 7.Comme l’album doit quand même être vendu en librairie (cela m’étonnerait qu’il soit en vente en grande surface, le concept est trop difficile à expliquer…), un magnifique bandeau rouge a été ajouté reprenant le nom de l’auteur, le titre et l’éditeur. En page 4 de couverture, c’est la planche 6 (cela reste logique même si cela demande un peu de réflexion…).Le bandeau rouge indique : « Attention, cet album comporte des anomalies qui sont parfaitement volontaires et en constituent même le sujet ».Brave éditeur qui nous met en garde ! N’oublions pas le code barre pour le libraire qui y trône également. Et si le bandeau se déchire et se perd ? Un autocollant avec le même code barre a été collé sur la même planche numérotée 6. Pas bête l’éditeur, futé même !Admettons même que le bandeau est perdu et que l’autocollant a été enlevé, je signale aux libraires qu’ils trouveront le code barre imprimé à l’intérieur de l’album à la planche considérée au départ comme le 4eme de couverture (vous suivez ?).
Tout lecteur qui se respecte feuillette rapidement l’album avant de commencer la lecture proprement dite. Il remarquera directement que trois feuilles de l’album sont déchirées. Je visualise déjà le lecteur « lambda », qui n’est pas au courant du concept, venir réclamer chez son libraire parce qu’on a arraché des parties de feuilles et que l’histoire est incomplète…Le lecteur attentif remarquera que la déchirure est chirurgicale et faite avec grand soin. En lisant l’album, j’ai lu également que « cet album a été achevé d’imprimer en Chine en février 2013 ».On pourrait d’abord dire que c’est dommage de devoir imprimer cet album en Chine. Bonjour l’empreinte écologique! Beaucoup d’emmerdes, quinze jours de bateau pour acheminer un conteneur et quelle logistique… Heureusement dans cet album, chez Delcourt, on nous a dispensé de la remarque habituelle du papier écologique issu d’une forêt bien gérée…Cela aurait fait un peu désordre. Ceci étant dit, le concept même du découpage des pages avait peut-être des coûts supplémentaires, de la main d’œuvre que l’éditeur a préféré confier à des petites mains chinoises pour des raisons économiques. Les Chinois ont du se dire en voyant l’album qu’ils sont fous ces européens…Compte tenu du concept un peu subversif de Marc-Antoine Mathieu, il valait peut-être mieux qu’ils n’y comprennent rien du tout ! On a déjà vu un autre petit livre (rouge !) y faire la révolution…
Et qu’est ce que cela donne à la lecture ? Il faut se dire que le lecteur est parti dans une expérience littéraire, scénaristique, graphique très particulière. Le départ, complètement décalé, peut sembler un peu hermétique, complètement « à l’ouest »! Mais il reste une logique implacable et l’attention du lecteur est en éveil de façon permanente pour ne pas lâcher le fil ténu de ce qu’il reste de l’histoire. En plus, devant l’absence du héros principal, les personnages secondaires se posent des questions existentielles sur leurs rôles dans l’histoire, sur le scénario, sur l’espace, sur le temps qui passe, sur l’action, sur l’immobilisme apparent, sur la définition du « rien ». C’est par moment très philosophique au niveau des dialogues.
D’où le concept suivant : comment va-t-on retomber sur l’action principale du scénario, sur l’action ? Je vous laisse découvrir le concept et la façon avec laquelle l’auteur va retomber sur ses pattes par un tour de passe-passe scénaristique. J’ai trouvé l’exercice brillant même si la lecture demande des efforts d’attention tout au long du récit. Certains vont crier aux fous ! A nouveau Marc-Antoine Mathieu nous sort « un ovni » mais un scénario qui, mine de rien (ah, le beau concept !), est bien construit, bien réfléchi.
Le dessin, sans être extraordinaire, est tout autant une fine mécanique. La lecture des pages « déchirée » est tout un travail d’orfèvre. L’auteur a du s’amuser avec ses découpages…Il a aussi poussé le concept jusqu’à nous faire le coup de la panne de courant pour nous servir une planche entière de cases complètements noires avec des dialogues abscons digne de ce moment que tout le monde à connu une foi dans sa vie…Ma « cote » pour le dessin tiens compte de ce concept. A noter également que l’album est en noir et blanc. Pas de couleurs !
Si vous aimez la bande dessinée innovante, vous ne pouvez passer à côté ! Cet album est tout simplement décoiffant. Un énorme coup de cœur. Dans le déluge de sorties, voici certainement un album à contre courant, intelligent, innovant et décapant. A déguster avec délectation !
Dessin :
(9/10 pour le concept)
Scénario :
(10/10)
Moyenne :
(9,5/10- la perfection n’existe pas!)
Capitol.
P.S. Pour paraphraser l’Empire du milieu et une ancienne pub pour une voiture française : Révolutionnaire !





Pas mieux ! Du grand art !
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Un chef d’oeuvre absolu ! Marc Antoine Mathieu est un génie fou de la bande dessinée. Je me régale avec délectation des aventures loufoques et décalées de Julius Corentin Acquefacques depuis le premier album. Après avoir refermé chacun des 5 précédents tomes, je me suis toujours demandé ce que l’auteur pourrait bien imaginer de plus dingue. Hé bien, je l’affirme sans détours, chaque nouvel opus fut à chaque fois un nouvel ovni.
Dans ce tome 5, le ton est un peu plus à l’humour. Les dialogues m’ont d’ailleurs souvent fait penser à Raymond Devos qui jonglait à la perfection avec les mots dans ses sketch où le non sens était roi.
Du grand art ! Lecture vivement conseillée de toute la série …
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je viens de lire cet album suite à un achat en 2e main vu les avis positifs pour cet album.
C’est sûr , il s’agit d’une oeuvre d’art , les pages déchirées , un grand moment .
Par contre , philosopher sur « rien » pendant tout un album,il fallait oser ..je dois avouer que par moment , j’ai décroché pris de vertige devant cette immensité de vide!
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