Bobigny 1972

Scénario : Marie Bardiaux-Vaïente
Dessin : Carole Maurel
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 10 janvier 2024
192 pages
Genre : récit de procès

« D’abord, monsieur le juge, je veux dire que je ne me sens pas coupable. C’est votre loi qui est coupable. »

Présentation de l’éditeur

En 1972, Marie-Claire Chevalier, enceinte à la suite d’un viol, est dénoncée pour avortement clandestin par son propre agresseur. L’avortement est encore, à cette époque pas si lointaine, un délit passible d’une très forte amende et même d’incarcération. Sa mère qui a tout mis en œuvre pour lui venir en aide, ainsi que des femmes ayant pris part aux événements, comparaissent elles aussi devant la justice, pour complicité. Cette affaire dramatique tristement banale devient l’un des grands procès historiques par le concours de Gisèle Halimi, avocate de toutes les grandes causes féministes et antiracistes. Elle s’empare de l’histoire de Marie-Claire et de sa mère, pour créer un électrochoc médiatique, public et sociétal. Elle ne défend plus une jeune femme « coupable » d’avortement, elle attaque les lois et politiques anti-abortives qui sévissent en France. Forte du soutien de grandes stars françaises, actrices, intellectuelles, journalistes mais aussi personnalités politiques, Maître Halimi a pour objectif de provoquer une jurisprudence dont le tribunal de Bobigny devient le théâtre.

Mon avis

J’avais eu connaissance de ce procès mais n’en connaissais pas les détails. Mes récentes lectures concernant Gisèle Halimi ( Une farouche liberté et Gisèle Halimi, une jeunesse tunisienne) m’avaient évidemment permis de faire davantage connaissance avec cette femme exceptionnelle. Ses différents combats ne m’ont pas laissé insensible, celui qu’elle mena pour défendre Marie-Claire Chevalier et sa mère ont eu le même effet. Enfin, pour être plus précis et juste, c’est le travail et le talent de Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel qui m’a permis de mesurer le caractère retentissant de ce procès.

Je dois admettre que j’adore les dessins de Carole Maurel, l’immersion dans les années 70 est une totale réussite, ses personnages prenant littéralement vie sous nos yeux dans des paysages et des arrière-plans réalistes. Des documents d’époque sont également proposés.

Cet album est marquant, ce, à bien des égards. Cette restitution des témoignages de Marie-Claire et Michèle Chevalier est, par sa dimension intime et son authenticité, d’une justesse qui m’a remué. Le récit de son viol par la jeune fille est glaçant. La détresse de cette dernière et de sa mère diffusent un sentiment d’injustice et de colère communicatif. Car, et c’est bien ce que Gisèle Halimi et l’association « Choisir » annonce aux deux accusées en préambule : la défense des celles-ci sera médiatisée et leur combat sera l’objet d’une remise en cause sociétale.

La critique de la société française de l’époque est sans concession. L’album construit une intrigue prenante autour d’un procès où des personnalités publiques défendront le droit à l’avortement, faisant écho à l’appel des 343 femmes anonymes, déclarant avoir, comme un million de femmes à l’époque, avorté. L’issue est connue de toutes et tous avec le discours de Simone Veil à l’assemblée qui sonnera le glas d’une loi injuste appliquée de surcroît dans une inégalité sociale incontestable.

Une bande-dessinée absolument admirable.

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Petitgolem13

5 commentaires sur “Bobigny 1972

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  1. Belle chronique qui résonne avec l’histoire. L’ignominie avec laquelle Mme Chevalier a été traitée me rappel les saillies mysogines et totalement réactionnaires des parlementaires lors de la loi Veil. Les reportages sont hallucinants

    Que de courage parmi ces femmes ! Des modèles !

    Au passage la constitutionalisation de l’IVG n’est pas (malheureusement) une garantie ad vitam aeternam .

    Pour rappel la liberté est un combat de tous les jours !!!!!!!

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