Auteur : Shôhei Manabe
Editeur : Big Kana
Genre : Drame sociétal
Sortie : le 13 septembre 2007
Avis de l’éditeur :
Une journée ordinaire débute pour Ushijima : des clients font la queue pour lui emprunter de l’argent. Pour Takada qui débute au service de l’usurier, c’est la découverte d’un monde souterrain où l’argent règne en maître. Guidé par Ushijima, Takada apprend les ficelles du métier, et les combines pour soutirer aux clients leurs derniers sous… Sans aucun état d’âme !
Mon avis :
Flashback dans le temps : c’est en 2004 que paraît la version nippone de la saga la plus emblématique en terrain urbain déjanté, à savoir l’œuvre phare de Shôhei Manabe, L’usurier de l’ombre – Ushijima. Rapidement suivie par la version francophone. Pourtant, Big Kana profite de la sortie de la nouvelle série de l’auteur, Kujo l’implacable, en 2023, pour permettre aux lecteurs distraits d’acquérir ce qui se fait de mieux en matière de folie furieuse underground, soulevant pas mal de questions sociétales.
Série clôturée en 46 tomes dont l’impact graphique et littéraire s’oriente vers des tranchées obscures des bas-fonds japonais. On suit le parcours noirâtre de l’usurier Ushijima, et de ses employés au sein de son entreprise de Yamikins « BYE Bye Finance », qui permet à quiconque le désir d’emprunter des liquidités avec des intérêts de 50% sur 10 jours.
Autant l’annoncer clairement, la majorité des emprunteurs caressent leur tombe avec une certaine prédisposition et ne peuvent, hélas, pas rembourser leurs dettes dans les délais prévus, ce qui augmente considérablement leurs arriérés, et les poussent, avec ou contre leur gré, comme nous le verrons, vers des activités clandestines de plus en plus destructrices.
La grande marque de fabrique de Shôhei Manabe résulte en un réalisme pervers, viscéral et dantesque, prônant une véritable ode au désespoir humain. A l’instar de ce qui se déroule entre victimes et bourreaux sur notre chère planète, les yamikins dont fait partie Ushijima, jouent la carte de la provocation sur les brebis (galleuses), ces pions idéaux sur l’échiquier universel pour en soutirer un maximum pour que, à fortiori, d’autres individus, s’en mettent plein les poches.
La fiction si proche de la réalité souterraine tokyoïte se veut terriblement dérangeante, écœurante à souhait, et tout autant fascinante, empruntant un sentier constitué de ficelles harmonieuses et limpides s’accordant les unes aux autres. Emprunt d’un réalisme exacerbé, déviant, et malsain, Ushijima cogne sec, là où ça fait mal et se définit à ce jour, comme étant le Seinen sociétal le plus obscur du genre, jamais égalé en matière d’épaves humaines au bout du bout du bout du rouleau.
Alors oui, 46 tomes c’est plutôt volumineux pour contempler les facettes de la misère humaine dans toute sa splendeur, mais répétons-le, ceci n’est qu’une retranscription d’une certaine réalité, vécue au quotidien, parmi une classe sociale de laissé-pour-compte, notamment lorsqu’on découvre pour quelles raisons absurdes certains et certaines empruntent de l’argent. Des titres d’ailleurs plutôt inégaux, certains plus lents à la détente, d’autres efficaces d’entrée de jeu, mais qui récoltent tous cette approche avec une authentique finesse de style littéraire.
Quant au trait démembré, il traduit à merveille le malaise et l’austérité ambiante. Tous les fins connaisseurs dans le domaine, placent indéniablement Ushijima sur le piédestal suprême, c’est en quelque sorte un shoot d’opium visuel, avec ces gratte-ciel et ces câbles électriques vus de manière cinématographique de plan aérien ou lors de travelling interminable de perspectives.
Les thématiques proposées : la prostitution forcée ou non, des ultra dépendants à la came en tout genre, aux jeux d’argents tels que le Pachinko (machines à sous fortement répandues au japon), au matérialisme à l’excès, à la concurrence déloyale, aux travers et déviances du milieu de la mode et de celui du showbiz, à la traite d’organes, aux rackets, aux meurtres … Et puis surtout, Manabe s’intéresse de près aux famille de yakusas, à leurs modes opératoires, à leurs agissements en interne comme en externe, à leurs rouages méticuleux. Rappelons que l’artiste s’est instruit pour sa saga en pénétrant dans ce monde underground, s’y est franchement documenté, ce qui rend encore plus dantesque cette rétrospective de la réalité, en somme toute terriblement tragique mais tout autant crédible.
La descente aux enfers de gens parfois ordinaires jusqu’à être littéralement pressés comme des citrons. Ceci dit, cela mérite réflexion avant d’emprunter de l’oseille surtout à des taux si élevés.
L’usurier de l’ombre – Ushijima, c’est le maestro ultime pour récupérer sa thune, car comme il le soulève si bien : « Vous avez le choix d’emprunter ou non chez « Bye Bye Finance ». C’est finalement un donné pour un rendu !
Coq de Combat
Il me semblait que Samba avait souhaité des chroniques d’une vingtaine de lignes… pour exprimer son avis !… mais pas d’un roman que je dois parcourir pour les corrections éventuelles.🙄😉
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Faut dire que là, avec cette réédition, CdC a du finalement parler de toute la série. Y en a des choses à dire 😉
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C’est pas faux. Mais c’est un peu sa marque de fabrique à CDC.
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« un shoot d’opium visuel » . Il a quand même de chouettes expressions CDC !
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