Après le 13 novembre

Scénario : Sophie Parra et Davy Mourier
Dessin : Gery
Éditeur : Delcourt – Une case en moins
Date de sortie : 12 octobre 2022
128 pages
Genre : Témoignage

« Je mens … ça ne va pas. Je ne pourrai plus jamais dormir. Pourquoi je ne suis pas morte là-bas ? En fait si, je suis un peu morte là-bas … »

Présentation de l’éditeur

Sophie est heureuse, même si elle est du genre à se poser trop de questions. Ce soir, elle met son cerveau de côté et va à un concert. Le 13 novembre 2015, la vie de Sophie a basculé. Elle a survécu, malgré les deux balles qu’elle a prises dans le corps. Que fait l’État français pour aider les survivants de l’horreur ? Comment retrouver le goût de vivre ? Sophie part en quête de son bonheur perdu.

Mon avis

La deuxième de couverture propose un plan de Paris avec les différents arrondissements repérés. Et, comme dans une échographie, un espace coloré ressort, telle une tumeur. Sophie Parra dévoile son Paris, avec sa « zone à éviter » et sa « zone où ne pas aller » (en rouge vif). Cela m’a fait instinctivement penser aux « No Go Zone » de Fox-News. Mais il n’en est rien même si ces deux cartes sont toutes deux liées aux attentats de 2015. Les intentions et les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. L’auteure n’est pas dans une démarche polémique, elle délivre ici un témoignage intime et personnel particulièrement émouvant sur ce qu’elle a vécu pendant et après l’attentat du Bataclan.

Les personnages pourtant graphiquement caricaturaux de Davy Mourier communiquent habilement des émotions qui envahissent les pages autant que l’héroïne. Les regards ont d’ailleurs un rôle central alors même qu’ils n’ont rien de détaillés, un simple trait, un ovale déformés réussissent parfaitement à exprimer l’angoisse, la peur ou la colère. Si j’ai bien été attentif, seuls deux personnages sont pourvus d’yeux avec des pupilles. Et cela ne peut être le fruit du hasard tant ceux-ci symbolisent deux éléments centraux du récit :

Le drame et le souvenir de celui-ci tout d’abord. Un jeune homme qui l’a aidée à ne pas tomber a de grands yeux bleus bienveillants. Il mourra sur elle quelques minutes plus tard. L’humanité de celui-ci tranchant avec le souvenir torturé des terroristes, représentés par des silhouettes sombres et dépersonnifiées.

La gestion du traumatisme de Sophie Parra enfin, qui apparait comme un vrai parcours du combattant et qui semble aggraver son mal-être. Le corps des psychologues/psychiatres en prend pour son grade. Impossible de ne pas être abasourdi et révolté par l’incompétence criante des professionnels que la victime sera amenée à consulter. Là encore, des pupilles noires apparaissent exceptionnellement à travers des yeux plissés par l’arrogance d’une psychiatre du fonds de garantie. La violence administrative est de trop et fragilise un personnage déjà effondré par ce qu’elle a pu subir.

Après le 13 novembre apporte un témoignage percutant sur le stress post-traumatique lié à un événement qui nous a tous marqués. Une belle réussite.

Petitgolem13