Dissident club

Chronique d’un journaliste Pakistanais exilé en France

Scénario : Taha Siddiqui ; Hubert Maury
Dessin : Hubert Maury
Couleurs : Ariane Bora ; Elise Follin
Éditeur : Glénat
264 pages
Date de sortie :  mars 2023
Genre : autobiographie, documentaire

 

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« Dans notre famille, on ne fêtera plus les anniversaires. […]
Mais ne t’inquiète pas, le jour viendra où tu pourras vraiment faire la fête. Dans l’au-delà. Quand tu seras mort. »

Présentation de l’éditeur

Véritable chronique d’enfance et d’adolescence, Dissident Club retrace avec un humour libérateur et décomplexé le quotidien d’un jeune homme aux prises avec les fondamentalistes religieux ainsi que son combat pour un accès à l’information et la liberté d’expression. Coécrit et mis en scène par Hubert Maury, ancien diplomate devenu auteur de bandes dessinées, ce roman graphique aussi réjouissant qu’édifiant nous offre une vision limpide du Pakistan sur les trente dernières années ainsi qu’une certaine réflexion sur la religion, ses dérives et les fractures d’une communauté.

 

Mon avis

Nous avions déjà croisé la route d’Hubert Maury sur Samba BD en 2017 avec le très bel album Le Pays des Purs, le nom en langue Ourdou du Pakistan. Avec Dissident Club, nous retrouvons le Pakistan en suivant les pas de Taha Siddiqui, journaliste ayant dû fuir son pays natal. C’est un attentat en 2018 à Islamabad, duquel il réchappe miraculeusement, qui le contraint à l’exil en France d’où il nous raconte son histoire. Une histoire incroyablement bien remplie et mouvementée en plein cœur d’une des régions les plus agitée de la planète depuis deux ou trois décennies. Tranquillement assis à une terrasse de café, il nous livre toute son histoire depuis sa jeunesse au Pakistan jusqu’à son exil et son combat pour la liberté de la presse. Une histoire qui le trimballe du Pakistan à l’Arabie Saoudite où il vit la radicalisation de ses parents et découvre un Islam différent, intransigeant, sectaire, avec lequel il prendra du recul au fil des ans, malgré un passage par une école coranique et toutes les tentatives de son père pour lui faire garder le « bon cap ». Il n’y reviendra jamais sur ce cap intégriste, au contraire, chaque étape de sa vie l’en éloignera un peu plus.

Ce livre est bien plus qu’une biographie. Véritable document historique sur l’état du monde en ce début de XXIème siècle très mouvementé, la vie de Taha nous éclaire sur cet islam radical qui porte Ben Laden en héros, qui interdit les relations filles/garçons ou encore qui lâche sa police religieuse dans les rues… Il nous éclaire sur la situation politique de cette région bouillonnante et de ce pays de 220 millions d’âmes dirigé par l’armée et les islamistes. Il tente de nous éclairer sur les rivalités viscérales entre chiites et sunnites, difficiles à comprendre pour les occidentaux.

Au fil des pages, nous découvrons l’émancipation de Taha, sa soif inextinguible de savoir et de liberté. Une soif qui le mettra en danger mais à laquelle il ne renoncera jamais.

Ce récit est fort, puissant et poignant, parfois glaçant, mais aussi empreint d’une certaine légèreté car raconté avec simplicité et humilité. Un récit à hauteur d’enfant, d’adolescent, d’homme, toujours intègre et en quête de vérité.

Un récit qui se lit d’une traite, comme s’il fallait vite tout prendre avant que n’arrive un drame, tant la vie de ces journalistes que certains veulent faire taire ne tient qu’a un fil.

Hubert Maury propose un dessin jeté, vif, brutal, comme s’il y avait urgence à raconter l’histoire de Taha, contribuant à cette immédiateté que l’on peut trouver dans le dessin de presse. Avec un trait moins souple et plus agressif que dans le Pays des Purs, il met beaucoup de vivacité et d’expressivité dans son dessin rendant le tout extrêmement vivant et donnant une dimension très aventureuse à cette bio.

Dissident Club rejoint l’excellent Arabe du futur de Riad Sattouf au rang des témoignages poignants et incontournables qu’il faut avoir lu pour porter un autre regard sur le monde.

Mon premier coup de cœur de l’année.

Loubrun

Aujourd’hui Taha Siddiqui (Prix Albert-Londres 2014) et sa famille vivent à Paris. Taha a ouvert en 2020 The Dissident Club, un café & bar où les dissidents du monde entier se retrouvent pour échanger et qui propose régulièrement des conférences, des expositions et des projections.

Dédicace de Hubert Maury faite à Bruxelles le 30 mars 2023.