Mawda – Autopsie d’un crime d’Etat

Scénario : Manu Scordia
Dessin : Manu Scordia
Éditeur : La Boîte à Bulles
Date de sortie : 6 mars 2024
176 pages
Genre : BD-Reportage

« Mais on a l’impression que ces morts ne valent rien. Il y a une déshumanisation de la figure du « migrant », du réfugié. »

Présentation de l’éditeur

Une camionnette transportant des migrants est prise en chasse par les policiers. Durant la course-poursuite, Mawda, petite fille de deux ans meurt d’une balle en pleine tête…

La nuit du 17 mai 2018 sur une autoroute belge, une camionnette transportant des migrants tentant de passer en Grande-Bretagne est prise en chasse par des policiers. Cette course-poursuite se solde par la mort d’une petite fille de deux ans, Mawda, atteinte en pleine tête d’une balle tirée par un policier. Un drame qui fait grand bruit dans l’opinion publique.

Les jours suivants, plusieurs versions des faits se sont succédées, émanant du Parquet et relayées par la presse  : l’enfant serait morte d’un traumatisme crânien car les migrants se seraient servis de sa tête comme bélier pour casser la vitre; puis est évoqué un échange de coups de feu entre la police et les occupants de la camionnette…

Il a fallu la contre-enquête du journaliste Michel Bouffioux (Paris-Match Belgique) pour que soient mises à jour les incohérences contenues dans chacune des versions proposées.

En novembre 2020 s’est tenu le procès de l’auteur du tir qui a tué Mawda ainsi que de deux individus accusés d’être le passeur et le chauffeur de la camionnette. Ce procès a donné lieu à une vaste mobilisation citoyenne, avec notamment le hashtag #Justice4Mawda  sur les réseaux sociaux. 

Sur la base de multiples sources et témoignages, Manu Scordia compose un ouvrage coup de poing qui retrace le parcours de Mawda et de ses parents et explore tous les angles morts de ce drame…

Mon avis

En parlant du drame de Mawda, Manu Scordia met un visage humain sur le migrant, le réfugié. Rien ne peut justifier le décès de cette enfant, même si certains le feront, mettant en avant l’inconscience des parents. Des jeunes parents qui ont fui le Kurdistan Irakien parce que leur amour ne pouvait être toléré et qui ont tenté de vivre une vie « normale », fuyant l’insécurité et la précarité des camps et des centres d’accueil.

Le dessin est semi-caricatural, fait d’un noir et blanc tranchant où se glissent un rose pâle ou un taupe qui peinent à mettre de la couleur dans un environnement et un récit bien moroses. Petit à petit, on se retrouve embarqué dans la camionnette, entassé avec Mawda, sa famille et d’autres anonymes. Spectateur d’un drame relaté par le dessinateur belge qui s’est appuyé sur les travaux du journaliste d’investigation Michel Bouffioux, le lecteur assiste à une reconstitution qui met en lumière des zones d’ombre. Les incohérences sont nombreuses tout comme les questionnements autour des circonstances du décès de Mawda.

Le roman graphique est prenant et pointe du doigt le rôle respectif de la justice, de la police, du corps médical, des passeurs, des médias et de la vindicte populaire sur les réseaux sociaux. Cette Autopsie d’un Crime d’État est des plus détaillées mais est évidemment contrainte par les limites inhérentes à la bande dessinée. Un post-face dense complète le propos de celle-ci et invite à en savoir plus. Car si un nom et un visage sont ici mis en avant, c’est le sort de ces personnes qui fuient leur pays d’origine ainsi que leurs conditions d’accueil et leur traitement qui est au centre du scénario. Le bouquin de Manu Scordia nous pousse à nous questionner sur les politiques européennes d’immigration de plus en plus répressives. Il pose un regard critique et révolté sur une mort des plus insupportables. On pense au corps de cet enfant mort sur une plage, le visage dans le sable. On retrouve d’ailleurs cette image en début d’album pour nous rappeler combien la mort est au rendez-vous pour les plus innocents. Mais pourtant rien ne change. Abominable.


Petitgolem13

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8 commentaires sur “Mawda – Autopsie d’un crime d’Etat

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  1. Je trouve ce sujet hautement sensible, d’un coté le drame d’une petite fille tuée et de l’autre le soutient à nos forces de l’ordre… L’affaire a été jugée. Un drôle de sentiment de voir ce sujet en BD…

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    1. je pense pareil que Samba. On n’était certes pas « là » mais c’était « chez nous ». Du coup ça laisse un sentiment étrange, cette position entre 2 chaises : cette famille endeuillée et les forces de l’ordre. Les raisons qui ont poussé les uns à se cacher derrière un boutchou et celles qui ont poussé les autres à tirer… difficile de trancher pour ma part. Seuls ceux qui étaient « là » peuvent savoir et vivre avec la vérité pour eux je pense…

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  2. Mais j’avoue que dit ainsi, ça porte à interprétation alors que je suis la première à dire que ce fut un drame, que cette affaire à porter aux nus le trafic d’êtres humains désespérés. Mais les médias ont tellement dit, tellement contredit, .. que la majorité, comme moi, retiendront la bavure policière et le bébé brandi (pour dire justement qu’il y avait des enfants à bord, ou pas, ou que sais-je). C’est donc un sujet sensible, très voire trop pour moi. Ça l’était déjà au tribunal, déjà trop aux différents jt. A mes yeux, ce drame rappelle qu’il y a des atrocités ou des vies misérables que des immigrés veulent quitter et que d’autres en profitent pour se faire de l’argent dessus et que ce sont eux qu’il faut pourchasser avant tout.

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    1. C’est justement cette histoire de médiatisation d’informations non vérifiées qui est mise en avant. Le fameux enfant « brandi » à la vitre arrière du van n’est pas celui qui a été tué. L’enfant victime se trouvait dans les bras de sa mère juste derrière le chauffeur qui aurait été visé.
      Ton témoignage ShayHlyn montre combien cette affaire a été retentissante en Belgique. Elle l’a été beaucoup moins en France.

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      1. ah bah comme quoi.. cette info est passée dans le marasme de toutes les autres (je ne me souviens même pas en avoir entendu parlé). Les médias sont devenus une pollution pour l’information, pour faire le buzz, arracher des larmes, des cris de colère,… mais plus pour dire simplement la vérité. C’est un triste monde… on le voit encore avec les infos actuelles en Palestine. Mais merci de cet éclaircissement qui prouve encore qu’il faut avoir tous les sons de cloches pour savoir.

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