La Mousse

Scénario : Nina Six
Dessin : Nina Six
Éditeur : Sarbacane
Date de sortie : 3 janvier 2024
112 pages
Genre : Souvenirs adolescents

 » -T’as tes règles toi ?

– Euh non pas encore, ça fait quoi de les avoir ?

– Ça fait mal, ça sert à rien. C’est la pire invention ! Ça pue aussi ! Ça sent le poisson pourri ! « 

Présentation de l’éditeur

2010, Thalle, petite ville de province. Nina se prépare, dans son pavillon où elle vit avec ses parents, à partir pour le collège. Avec ses baskets qui copient une marque connue et ses vêtements larges, elle tente, tant bien que mal, de se donner une allure, et surtout de cacher son corps encore peu formé, contrairement aux filles de son âge. À cause de sa bouille de bébé, elle subit les moqueries de ses camarades, y compris de Camille qui n’assume pas, auprès de ses nouvelles copines populaires, son ancienne amitié avec Nina. C’est donc avec son habituelle boule au ventre que Nina sort de chez elle. Mais ce matin-là, quelque chose a changé, dans l’air, elle le sent…

Mon avis

J’avais beaucoup aimé le premier album de Nina Six et avais partagé avec vous mon enthousiasme concernant Les Pissenlits .

Dans cette suite (on y retrouve effectivement certains des personnages des Pissenlits) Nina Six joue une nouvelle fois la carte de la nostalgie et se concentre cette fois-ci sur son adolescence dans les années 2010. Le sujet principal de ce bouquin est la puberté et l’arrivée des règles dans la vie de l’héroïne. L’auteure aborde tout ceci dans un style à la fois direct et métaphorique.

Je m’explique : Nina prend de plein fouet les remarques déplaisantes et les moqueries de ses pairs qui pointent du doigt sa petite taille, ses rondeurs et son apparente immaturité. L’entrée dans l’adolescence est frontale et violente car renvoyée par « les autres » eux aussi concernés par ce chamboulement hormonal et toutes les interrogations qui en découlent. Cet effet miroir est subi par Nina qui prend de plein fouet la distance que son amie Camille prend avec elle. Cette jeunesse est confrontée à un futur anxiogène, les rumeurs sur une possible fin du monde en 2012 tournant en boucle sur des réseaux sociaux qui happent l’attention et le bon-sens de celle-ci. Cette fin du monde est mise en parallèle avec une catastrophe naturelle annoncée, une tempête sur la ville, qui remue ses habitants et permettent à l’auteure de parler écologie et injustice sociale.

La métaphore est donc filée…la tempête arrive, inévitable, la fin du monde pointe le bout de son nez… L’enfance disparait avec l’arrivée des premières règles, brusquement, et marque le passage vers un autre monde, celui de l’adolescence, l’âge adulte étant dans la ligne de mire.

Les dessins faussement candides, tout en rondeurs sont doucement colorés à l’aquarelle, la patte de Nina Six est intacte et aisément reconnaissable et donnait à Les Pissenlits une dimension poétique plus marquée. La Mousse se démarque, elle, par sa symbolique. Car attentifs que vous êtes, Ô lecteurs Sambesques, vous vous dîtes, mais pourquoi la Mousse ?

De la mousse apparait sur un aqueduc inachevé…. elle se développe et offre l’occasion à la dessinatrice de donner vie à de jolies planches. La mousse se développe peu à peu dans l’aqueduc autant qu’elle ouvre la porte à l’interprétation allégorique. Le phénomène de cette couche végétale qui s’épaissit rappelle celui tout aussi naturel de l’épaississement de la paroi interne de l’utérus, où Nina se réfugie parfois, en compagnie de Pierrot. Et que dire de cette mousse qui a des feuilles arrondies, avec une tige s’apparentant à une flagelle, qui dans un rêve prémonitoire annonce le passage de Nina dans l’âge adulte.

Un album aussi beau qu’intelligent qui s’adresse à tous.

Petitgolem13