Scénario : Stephen Desberg
Dessin : Griffo
Éditeur : Dupuis
108 pages
Date de sortie : novembre 2017
Genre : anticipation
Présentation de l’éditeur
En 1988 paraissait le premier tome de « S.O.S. bonheur », suite de fables dystopiques qui mettaient à nu les angoisses de la société d’alors. Presque trente ans plus tard, nos craintes ont-elles changé ? C’est la question que pose aujourd’hui Stephen Desberg avec cette nouvelle saison, à la fois hommage et mise à jour de l’œuvre initiale de Jean Van Hamme. Pour y répondre, il dessine les contours d’une société conçue autour de valeurs réactionnaires extrêmes, dans un premier tome glaçant de justesse.
Mon avis
Voilà donc déjà 30 ans que Jean Van Hamme et Griffo ont sorti ce chef d’œuvre de la BD d’anticipation. Ils décrivaient une société future assez angoissante où les libertés étaient sacrifiées sur l’autel du bien-être individuel et surtout collectif par un État omniprésent dans le quotidien des gens. L’État décidait de tout et se préoccupait de tout dans une forme d’ingérence exacerbée de la sphère privée.
Curieusement, 30 ans plus tard, on voit émerger de-ci de-là certaines choses imaginées par Van Hamme dans les années 80. Dans des proportions moindres, certes, mais quand même. Quand j’entends tourner en boucle les mises en gardes et mentions obligatoires à caractère moral dans la publicité (« Pour votre santé évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé », « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour », « Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière », « Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas », « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération » , « L’énergie est notre avenir, économisons-la ! » … ), je ne peux m’empêcher de penser au chapitre « A votre santé ! » dans le S.O.S. Bonheur de Van Hamme, où la police médicale contrôle tout, où le sport est obligatoire, où les médecins sont tous affiliés à l’État, où il est obligatoire de suivre les bulletins météo, où les gens possèdent des cartes de régime qui conditionnent leur menu au restaurant, où les voitures sont limitées à 50km/h et où les slogans « préventifs » et moralisateurs envahissent le quotidien : « la santé est votre bien le plus précieux, aidez-nous à préserver la vôtre », « avez-vous pensé à prendre votre température ce matin ? », « muscle qui crie chasse la maladie », « un baiser=un millions de germes. Songez-y… ».
Bref, quand la réalité rattrape la fiction, il y a parfois de quoi s’inquiéter. Surtout après la lecture de cette saison 2 imaginée par Desberg et dessinée par Griffo, en souhaitant qu’ils ne soient pas aussi visionnaires que le fut Jean Van Hamme.
Plus un remake ou reboot qu’une suite, cette saison 2 est construite sur le même principe narratif que la version de Van Hamme. Une suite d’histoires courtes mettant en scène des gens ordinaires en prise avec les règles absurdes de la société et d’un État totalitaire qui ne veut que notre bien. Soit-disant. Sauf que… Là où Van Hamme voyait un avenir assez pessimiste de la société, Desberg ne fait qu’exacerber des peurs actuelles en pointant du doigt la montée réelle des extrêmes et des communautarismes et en imaginant comme réponse une société ultra réactionnaire mettant en avant des valeurs morales rétrogrades. Là où Van Hamme avait ficelé un récit subtil, Desberg arrive avec ses gros sabots et nous sert un récit beaucoup plus politisé, tout en exagération et donnant l’impression d’enfoncer des portes déjà ouvertes.
6 chapitres qui traitent de la famille et de valeurs moralisatrices d’un autre temps, de l’immigration et de la préférence nationale, du libéralisme à outrance, de la sécurité et des statistiques de délinquance truquées, du révisionnisme avec la tentative de faire tomber dans l’oubli la Shoah, et de l’image des personnalités politiques avec la mise en scène d’un faux attentat sur la personne du Président, ou quand la forme est plus importante que le fond.
6 thématiques intéressantes, mais qui sont mises en avant dans des saynètes cousues de gros fil blanc, jouées par des personnages manquant cruellement de relief et d’épaisseur et finalement assez peu crédibles. En gros, il manque clairement une pointe de subtilité pour qu’on arrive à y croire vraiment, même si, c’est vrai, nos cousins outre-atlantique ont placé dans le bureau ovale un personnage qui ne renierait sans doute pas ces scénarios.
Mais là, les ficelles sont décidément trop grosses et qui plus est, les décors ne facilitent pas la projection. Pourquoi avoir utilisé ce décorum vintage, pour les véhicules notamment !? Griffo dit qu’il voulait « donner l’impression au lecteur que l’action est totalement intemporelle et pourrait se dérouler n’importe où« . C’est raté. Voir dans un récit qui se veut futuriste des gens évoluer dans des DS, véhicules de 60 ans d’âge emblématiques de l’industrie automobile française, n’aide pas franchement à se projeter dans l’avenir et à s’imaginer ailleurs qu’en France.
Mis à part ce choix graphique malheureux, le dessin de Griffo est excellent. Radicalement différent de son style d’il y a 30 ans, il gagne en sobriété et fluidité, mais perd un peu en spontanéité. En revanche il bénéficie d’une belle mise en couleur appropriée au récit, dans des tons ternes et tristes, bien mieux réussie que sur les trois premiers volumes des années 80.
Mais le dessin ne sauve pas cet album qui m’a déçu. Considérant la trilogie de Van Hamme comme un chef d’œuvre, j’attendais beaucoup plus de cette saison 2. Sans doute un peu trop, et c’est pourquoi ma déception est à la hauteur de mon attente.
Loubrun
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S.O.S. Bonheur Saison 2 par Desberg Griffo © Dupuis 2018
Bin quand j’ai vu le nom de Desberg, j’ai même pas eu envie de lire cette BD .En lisant ta chronique, on a bcp critiqué Van Hamme mais il a clairement marqué la BD avec des bons scénarios. Le problème, on l’a trop copié et on a eu un peu une overdose de scénarios « à la Van Hamme »(dont une pléthore du scénariste de cette suite ) mais chapeau pour sa carrière.
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SOS Bonheur est pour moi l’une des meilleures séries de Van Hamme. dommage d’avoir confié ce remake à Desberg qui a du mal a donner de la consistance à ses scénarios.
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