Dessin : Fabio Moon
Adapté de : Joaquim Maria Machado de Assis
Editeur : Urban Comics (Indies)
62 pages
date de sortie : 26 septembre 2014
Genre : adaptation littéraire, fable,
Un grain de folie.
La ville brésilienne d’Itaguaï accueille en ses murs un médecin un peu particulier. Simon Bacamarte est aliéniste et se voue corps et âme à la science. Il obtient la bénédiction du conseil municipal pour fonder un asile d’aliénés afin d’y étudier tous les cas de folie qui lui tombent sous la main. Il commence par enfermer et classer les lunatiques et les excentriques, puis rapidement, chaque habitant de la ville présente à ses yeux des symptômes justifiant d’un internement. Toute la ville finira internée !
En 2012, les deux frères Brésiliens Fabio Moon et Gabriel Ba avaient été salués unanimement par la critique et le public pour leur album Daytripper. Les voilà de retour sur le devant de la scène avec l’adaptation d’un classique de la littérature Brésilienne, l’Aliéniste de Joaquim Maria Machado de Assis, écrit et publié à la fin du XIXème siècle. Cette fable ubuesque a pour thème la folie où l’on voit un médecin renommé utiliser les habitants de sa ville comme cobayes humains pour mener ses expériences.
Au nom de la science, le docteur devient tout puissant et ne s’impose aucunes limites, jusqu’à avoir un comportement tyrannique.
Porté sur un piédestal par la population, il sera ensuite l’objet d’une rébellion. Mais en habile manipulateur – et la science aidant – il repoussera les limites de la folie occasionnant un revirement de situation des plus abracadabrant. Mais peut-on raisonnablement fixer des limites à la folie ?
Les dogmes scientifiques, politiques et sociétaux sont clairement visés ici : le moindre écart, la moindre excentricité, le plus petit truc qui vous fait différent des autres vous fait basculer dans l’anormalité, donc ici dans la folie. Quid alors de la normalité, des normes, des formalismes ? A partir de quand devient-on hors normes ? Qui est fou? Ne le sommes-nous pas tous un peu ? Qui peut prétendre définir les limites, les cadres ? Peut-on tout faire au nom de la science ?
Derrière le burlesque de ce conte, un flot de questions assaille le lecteur.
Autant l’on s’amuse de la situation de plus en plus invraisemblable, autant celle-ci nous parait en même temps des plus effrayantes. A l’heure où la différence est soit rejetée soit déniée, où l’on met un peu trop rapidement les gens dans des cases, où tout doit être classé et normalisé, le fond de ce texte – bien qu’âgé de 130 ans – n’a pas pris trop de rides.
Enfin, la médecine a évolué, elle. Il n’y a plus de fous aujourd’hui. Tout au plus quelques névrosés, psychotiques, phobiques, anxieux, dépressifs, schizophrènes, mégalomanes, caractériels, obsessionnels compulsifs … des gens normaux quoi. Ou pas…
Côté dessins, le style est léger et ne s’embarrasse pas de détails. Simple, le trait va à l’essentiel et est mis en relief sur des fonds de lavis aux teintes chaleureuses pour la plupart. Un soin particulier est accordé aux expressions et aux ambiances. C’est très réussi et agréable à l’œil.
L’aliéniste, une folle et brillante adaptation par Fabio MOON et Gabriel BA dont je recommande vivement la lecture.
Ma note : 9/10
Loubrun
« La sagesse a ses excès et n’a pas moins besoin de modération que la folie » – Montaigne







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