Lincoln T7, Le fou sur la montagne – Interview de Jérôme et Olivier JOUVRAY

Jérôme jouvray, olivier jouvray, anne-claire jouvray, jouvray, lincoln, paquet, westernJérôme jouvray, olivier jouvray, anne-claire jouvray, jouvray, lincoln, paquet, westernAmérique, fin du 19ème siècle, Lincoln devient orphelin et est élevé par des prostituées. Son destin ne semble pas des plus heureux. Il vagabonde à travers le pays, emportant avec lui sa mauvaise humeur permanente. Dieu en personne va tenter de faire briller Lincoln dans des exploits héroïques, et au passage le rendre immortel, mais c’est sans compter sur les interventions du diable, qui prend beaucoup de plaisir à titiller les plans de Dieu, et le manque de bonne volonté de Lincoln.

 

Nous avions abandonné Lincoln il y a trois ans en pleine déception amoureuse, pour le retrouver aujourd’hui dans ce tome 7, Le fou sur la montagne, coupé du monde (ou presque) cherchant l’isolement (moins il voit Dieu et le diable, mieux il se porte) et la paix.

 

Après une longue absence (trois ans) revoici Lincoln, une des séries phares des éditions Paquet qui, depuis son début en 2002, a déjà dépassé les 150 000 exemplaires. Des résultats enviés par beaucoup car ils s’associent à de bonnes critiques. Et Le fou sur la montagne ne déroge pas à la règle, car nous sommes en présence de l’un des meilleurs albums de la saga. On retrouve l’humour des débuts dans un vent de fraicheur qui est probablement le signe d’une série qui va encore durer.

 

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Lincoln est également une histoire de famille, car en effet Olivier Jouvray (scénariste) est le frère de Jérôme Jouvray (dessinateur) qui lui est marié avec Anne-Claire Jouvray (coloriste). Contacté par courriel, Jérôme et Olivier ont accepté de répondre à quelques questions pour Samba BD, petit retour en arrière sur la série…

 

Quelques questions à Jérôme, dessinateur…

 

Jérôme jouvray, olivier jouvray, anne-claire jouvray, jouvray, lincoln, paquet, westernSamba BD : Votre style est très aisément reconnaissable, qualité rare de nos jours. Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré, de quoi se nourrit votre trait?

Jérôme Jouvray : D’abord, merci… Un petit compliment ça fait toujours plaisir, je le prends !!!
Mes premières influences étaient mes lectures de jeunesse : Bilal, Moebius, TardiJanry aussi… Qu’est ce que j’ai pu recopier les planches de Spirou à New York ou VirusFranquin est arrivé plus tard… Et puis quand j’ai publié mes premiers albums c’était DeCrecy, Blutch surtout… Quand Blain est arrivé je me suis dis « mince, c’est ça que je voulais faire en fait »…  
Aujourd’hui j’ai l’impression que je commence à digérer ces influences… Je commence à trouver ma façon de faire…

Si on compare le tome 1 avec le 7, on peut se rendre compte que votre approche a évolué. Les planches et les cases deviennent plus denses, plus détaillées et le découpage est moins fixe. Pouvez-vous nous expliquer cette évolution?

Je me rends bien compte que mon dessin évolue encore et je ne fais rien pour freiner ça… Je me laisse aller en fonction des projets, en fonction des contraintes de scénario… J’ai l’impression d’être moins synthétique qu’avant, d’aller parfois vers plus de réalisme. J’en discutais avec Jean-Philippe Peyraud (Premières chaleurs chez Casterman, d’autres larmes chez treize étrange…) C’est assez troublant, nous sommes attirés par un dessin plutôt stylisé, presque cartoon depuis nos débuts et plus ça va plus on va vers le réalisme… Alors, oui, comme je le disais, il y a une évolution naturelle, on progresse. Et il y a les contraintes en fonction des projets. La Pès Rekin par exemple (Scénario de Stéphane Presle chez Futuropolis) a été un vrai tournant chez moi… Une étape dans ma façon d’aborder les décors entre autre… Mais j’essaie quand même de garder un côté cartoon dans les attitudes et les expressions de mes personnages…
Une autre raison de cette évolution, c’est aussi le plaisir que j’ai à changer de technique, d’outils, de papier, de format d’un projet à un autre… ça aussi, ça permet de tenter des choses… Même au sein d’un même album. C’est Alfred (Pourquoi j’ai tué Pierre, Le désespoir du singe chez Delcourt) qui m’a décoincé à ce niveau-là. Il se permet de changer d’outil, de passer du pinceau au stylo bic dans la même planche… Avant j’étais un puriste d’un seul outil pour tout l’album… Aujourd’hui j’ai un petit pinceau fin mais je n’hésite pas à utiliser un gros pentel pour les premiers plans et une plume pour les petites choses à l’arrière plan… Le but du jeu étant que l’ensemble du dessin reste cohérent… Et joli aussi, tant qu’à faire…

Au fur et à mesure de la saga, différents contextes historiques apparaissent, on sort à plusieurs reprises du cadre du western standard. Cela modifie-t-il votre travail, votre façon de vous documenter?

La documentation, c’est mon frère de scénariste qui s’en charge !!! De toute façon, lui, il en a besoin pour ne pas écrire n’importe quoi sur les périodes qu’il veut traiter… Après, il me file tout ce qu’il a trouvé… Parfait pour moi ! Du coup ça rejoint ce que je disais plus haut, plus on se place dans un contexte historique important pour l’album, plus il faut être précis et « réaliste »…

Voilà 10 ans que vous dessinez Lincoln. On imagine que vous vous êtes attaché au personnage. Prêt à signer pour 10 ans de plus?

Sans problème… C’est un personnage vers lequel on aime revenir avec Anne-Claire et Olivier… Et puis, comme on le trimbale dans des univers à chaque fois assez différents, on ne s’ennuie pas ! Alors, oui, on continuera à bosser chacun de notre côté pour d’autres projets, d’autres éditeurs, d’autres scénaristes pour varier les plaisirs mais Olivier est déjà en train d’écrire le T8 et on peut déjà l’annoncer pour 2013 ! Et là encore, ce sera très différent…

 

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Autoportrait de Jérôme Jouvray


…et quelques questions à Olivier, scénariste.

 

Jérôme jouvray, olivier jouvray, anne-claire jouvray, jouvray, lincoln, paquet, westernSamba BD : Comment est née la saga Lincoln? Un pitch comme celui-ci : un cow-boy anti-héros que Dieu tente inlassablement de transformer en héros, cache-t-il une idée spontanée ou un long travail de construction?

 

Olivier Jouvray : Non c’est venu très vite. De l’envie de faire un western, de proposer un héros râleur et pénible, et de le confronter comme tout bon héros à des choix moraux récurrents. J’ai juste eu l’idée de personnaliser les notions de bien et de mal. J’ai écrit le scénario du tome 1 en seulement quelques semaines. Tous les tomes suivants ont nécessité plus de travail et plus on avance dans la série et plus ça demande du temps de construction. 

 

Lincoln est souvent blessé par les circonstances de la vie, certaines blessures semblent même très profondes. Vous ne l’épargnez pas beaucoup. Pouvez-vous nous en dire plus?

 

Un héros vit de la crise, son gagne pain, ce sont les emmerdes. Mais là où les héros de mon enfance pouvaient traverser toutes sortes d’épreuves et en ressortir sans séquelles, j’ai eu envie que notre personnage soit plus humain et donc plus vulnérable. Vu que physiquement, il ne peut rien lui arriver, psychologiquement, il doit évoluer. 

 

La série s’inscrit de plus en plus dans des contextes historiques très précis. Envie de sortir Lincoln du western? Que nous réservez-vous pour la suite?

 

J’ai choisi dès le départ de placer l’histoire au début du XXème siècle plutôt qu’à la grande époque des cow-boys. C’est une époque à laquelle dans les bleds du Texas on se tirait encore dessus à coups de colts et dans le même temps à New-York on construisait des buildings et on se déplaçait en métro. Donc simplement en déplaçant Lincoln d’un endroit à l’autre du pays, je le fais voyager dans le temps. Les éléments historiques sont de plus en plus précis dès qu’il se retrouve dans des endroits avec des décors complexes. Ça fait aussi partie du plaisir d’écriture. Rester toujours dans des décors de désert avec quelques baraques en terre et des cactus, ce serait vite pénible et peu stimulant. Même si ce serait plus facile pour Jérôme ! Quant à savoir ce qu’il adviendra à l’avenir, je garde la surprise. Je suis en train d’écrire le tome 8 mais je n’ai pas encore de plan pour après. J’écris les tomes les un après les autres sans savoir où je vais. Il n’y a pas de plan. 

 

Dans ce tome 7, l’humour ne repose plus autant sur Lincoln mais sur des personnages secondaires. Une nouvelle approche?

 

La série Lincoln est tout à la fois mon premier personnage, ma récréation et mon laboratoire d’expériences. À chaque tome je me pose de nouvelles questions et j’essaye d’aborder l’écriture avec de nouveaux défis. Effectivement dans le tome 7 j’ai voulu créer des personnages secondaires particulièrement corsés pour voir comment c’est perçu. Dans le tome 2 j’ai voulu aborder la question indienne sous un angle un peu inédit, dans le 3 nous avons testé la résistance d’un héros à des coups répétés, dans le 4 on à voulu voir si nous pouvions faire grossir notre héros, dans les 5 et 6 on a voulu à la fois développer une histoire sur deux tomes et dans le même temps, mettre Lincoln en retrait au profit d’une héroïne. Dans le tome 8 je tente encore autre chose. Jérôme de son côté aussi s’autorise des changements d’outils pour tester des choses. Je pense que c’est en prenant des risques, en provoquant des accidents, des choses inattendues qu’on peut inscrire une série dans la longueur. 


Infos:

Dessin: Jérôme Jouvray

Scénario: Olivier Jouvray

Couleurs: Anne-Claire Jouvray

Pages: 48

Editions: PAQUET

Prix: 11,50 euros



Chronique et propos recueillis par William

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