Entre deux gares

Scénario : Sébastien Samson
Dessin : Sébastien Samson
Éditeur : La Boîte à Bulles
Date de sortie : 3 janvier 2024
144 pages
Genre : Autobiographie

« Le territoire n’est pas très différent des gens qu’il génère. Ici, en plaine on ne se froisse pas. Mais l’air circule bien.« 

Présentation de l’éditeur

Arpentant le Poitou – et la maison de garde-barrière – où il a grandi, Sébastien se confronte au petit garçon qu’il a été, à ses rêves d’enfant et à l’évolution du monde rural…

Fils aîné d’une famille de jeunes ruraux, le jeune Sébastien Samson ne connait que le périmètre de son petit village et du chemin de fer qui le traverse comme une veine et rythme les journées de sa maman, garde-barrière.

Enfant, il se construit dans ce monde clos, dans lequel la naïveté et l’ignorance du monde favorisent les rêves, en même temps qu’elles tendent à les rendre caduques. Pourtant, Sébastien sent déjà que sa vie ne se passera pas ici, pas dans le même monde que ses parents.
Aujourd’hui, Sébastien est devenu adulte, parent. En plus d’être professeur d’arts plastiques, il est également auteur de bande dessinée. Il se rend à New York pour la promotion de son dernier livre. Soudainement, Sébastien croit apercevoir son double, enfant, en plein New York. Une illusion saisissante…

Revenu sur les terres de son enfance rendre visite à ses parents, l’adulte entame un dialogue avec ce petit garçon plein d’ambitions qu’il a été. Explorant ensemble les terrains en jachère et maisonnettes en ruine de son passé, Sébastien éclaire d’une lumière nouvelle cette enfance disparue.

D’abord tenté par une forme de nostalgie, Sébastien adulte va progressivement transformer son regard sur cet environnement familier, jusqu’à considérer que l’enfance vécue ici était privilégiée, sans doute même favorisée, à rebours des clichés sur la vie en milieu rural.

Mon avis

Sébastien Samson évoque dans sa postface sa légitimité à délivrer une œuvre autobiographique alors qu’il dit ne rien avoir d’exceptionnel à raconter. Le lecteur pourrait donc s’interroger sur l’intérêt de le lire.

Que le lecteur se rassure.

Le retour aux sources de Sébastien Samson se fait de façon fantasmagorique dans un style graphique parfaitement maîtrisé qu’il s’agisse du trait ou de la mise en couleur. Il rejoint son lui-même plus jeune, là où jadis il a grandi, au passage à niveau 185. Cette rencontre aboutit à des dialogues entre les deux lui-même, donnant ainsi vie à une (vive) introspection. Les deux personnages se confrontent à leurs souvenirs, chacun avec son propre regard.

Il est évidemment question de nostalgie dans Entre deux Gares. L’auteur effectue ce voyage dans le passé dans un but bien précis : « je cherche ce que j’ai oublié, pas ce que je connais déjà ». Cette démarche le mène entre deux époques, entre deux gares. Comme un ligne de vie, la voix ferrée, peu à peu sous exploitée devient le symbole d’une ruralité en mutation qui se dépeuple et se coupe du reste du monde.

L’œuvre est touchante. Ce retour sur le lieu de son enfance confronte l’adulte à quelque chose d’irréversible : le temps qui passe, les gens et les lieux vieillissant. La réalité du présent se confronte à celle du passé, avec son lot d’impressions, de ressentis et d’à peu près. Impossible de ne pas s’identifier à Stéphane, ce rapport à la mémoire étant universel. L’auteur, par sa démarche, invite à se confronter à son passé, sans se laisser envahir par la nostalgie pour se (re)trouver face à soi-même, pour s’épanouir dans son présent et son futur. Une belle thérapie à 24 euros.

Petitgolem13