Esthétique des Brutes – Journal 3

Auteur : Fabrice Neaud
Éditeur : Delcourt
424 pages
Date de sortie : 13 avril 2022
Genre : biographie

« Somme toute ce recueil d’histoires très intimes ne peut avoir de valeur que dans nos mises en scène respectives. Tout semble être dit, mais rien n’est dévoilé. Cet étalage de moi-même ici-bas ne dit rien de plus que ce que je veux en dire. Et mon corps offert ici, comme à d’autres ailleurs, garde en lui-même tous ses mystères. »

Présentation de l’éditeur :

L’amour, la création, l’homophobie, la précarité, dans la France des années quatre-vingt-dix. Réédition enrichie du deuxième volume de la plus grande œuvre autobiographique de la bande dessinée française.

Après le jeune conscrit, Fabrice s’émeut d’un étudiant en art. Mais ce dernier est hétérosexuel ; le charme tourne court. De ce nouvel amour sans retour aux discriminations sociales qui le précèdent et le conditionne, le récit déconstruit les vieux mythes romantiques et en extirpe les prérequis comme on arrache une dent. S’émanciper ou mourir. Quitte à tout sacrifier avec soi.

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Mon avis :

Si le premier tome, reprenant les journaux I et II, me parut long et pesant : ce n’est pas tellement le cas de ce troisième journal. Le contexte est déjà planté, pas trop besoin d’y revenir. Alors Fabrice Neaud va à l’essentiel : sa vie. Ses déboires et surtout : cet amour à sens unique. Après Stéphane, place à Dominique – Le Doumé – dont on voit la nuque en couverture. Ce corps inaccessible, que l’auteur voudrait toucher, ne fusse que du bout du doigt, mais sans espoir.

En suivant cet amour illusoire qui rend fou, on suit alors Fabrice au fil des jours. On le retrouve à nouveau dans le parc où les homosexuels se retrouvent pour une petite passe rapide, sans lendemain. Et sans pudeur… on y voit le sexe dans sa plus simple expression. Sans fard. De même que les pensées de l’auteur qui s’accrochent aux pages comme elles lui viennent. Tantôt dans un style soutenu et fluide, tantôt philosophique et lourd, surtout vers la fin.

Mais la vie ne tourne pas uniquement autour de l’amour. Il y a aussi le travail. Fabrice Neaud ne le dit pas, mais on peut imaginer les possibles employeurs refuser sa candidature car il ne cache pas son homosexualité. De même que le groupe d’artistes dans lequel il dessine… les projets de tous sont acceptés, pas le sien. Un cercle vicieux qui semble ne jamais prendre fin… il y a l’espoir, suivi immanquablement de la déconvenue qui fait mal. Tellement mal… et pour lequel Fabrice est impuissant. Alors il se défend comme il peut, en parodiant la vie de son amour inaccessible dans un pamphlet à 15frs, en abandonnant son groupe, en réduisant ses contacts sociaux… en plongeant à corps perdu dans la dépression.

Surtout depuis sa double agression homophobe. On est en 1994 et le terme même d’homophobie n’existe pas encore : « Il faudra attendre 1999 pour que ces concepts atteignent la France ! Et en 2008, le logiciel de traitement de texte ‘Word’ propose toujours ‘homophonie’ comme substantif de remplacement », Fabrice Meaud, Journal III. Alors on s’y perd, comme on perd parfois le fil de son texte, de même que son dessin. Si toujours attirant, réaliste mâtiné de métaphores graphiques : il faut sans doute être artiste soi-même pour percer à jour les dessins qui s’effacent, les explosions, les visages troubles, … mais quel talent ! Indéniable, même pour les néophytes de l’art.

ShayHlyn.

2 commentaires sur “Esthétique des Brutes – Journal 3

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