Présence de corps étrangers

Auteur : Shintaro Kago
Éditeur : Imho
Date de sortie : le 31 mai 2024
Genre : Horreur, Psychédélique

Avis de l’éditeur :

Ce deuxième recueil du triptyque de Shintaro Kago, qui fait suite à Une collision accidentelle sur le chemin de l’école peut-elle donner lieu à un baiser ? et précède Villes et infrastructures (disponibles chez IMHO), démontre à nouveau l’amour du grotesque et du détournement de l’auteur.

Mon avis :

Les œuvres de Shintaro Kago pourraient correspondre à Picasso sous acides, à des astronautes perdus dans la vase cosmique, à l’abécédaire de l’horreur sous toutes les déviances connues de l’Homme depuis sa genèse… et même avec tous ces ingrédients réunis, vous seriez encore loin du compte !

Le 1^er plat de couverture annonce haut et fort les couleurs : Une jeune fille, la moitié du crâne ouvert, se fondant avec son décors, où des ouvriers industriels fabriquent ou recyclent des substances qui se matérialisent avec la face ouverte de la victime. C’est à la fois expressif,  décalé et psychédélique. Et l’ouvrage pullule de matières similaires.

Avant toute chose, soulignons que Shintaro Kago excelle à mélanger des histoires sordides dans lesquelles sexe et ultra violence règnent main dans la main. Toutefois, sa vision dans ces registres surclasse à peu près tout ce qui existe, défiant les codes et autres rouages comme bon lui semble.

Des lycéens se placent contre un mur, et toutes les lycéennes, à tour de rôle tombent dans leurs pièges, et se font violer. Une jeune femme empoisonne son copain, qui une fois réveillé, constate que cette dernière lui a collé des centaines de grains de riz sur le corps et le visage, et qu’à l’aide d’une pince, les lui arrachent compulsivement.

Vous êtes toujours avec nous là ? Car ça continue…

Des dizaines de bébés pandas se font littéralement éclater et pourfendre de lances et pics par des gardiens qui pour défendre la rareté de l’espèce et donc les entrées au zoo, se voient dans l’obligation d’en détruire 90% avec hargne et concupiscence. Une méthode anti-viol pour jeunes femmes voit aussi le jour, un panel de variétés toutes aussi loufoques que dérangées : la petite culotte avec crottes intégrées, faisant en effet fuir la quasi-totalité des mâles à cent kilomètres à la ronde, mais manque de bol, fait rappliquer de nombreux scatophiles.

Toujours avec nous, chers lecteurs ?

La suite fanfaronne avec un degré de déviance pouvant presque concurrencer les chef- d’œuvres cinématographiques du genre, à savoir la trilogie de Tom Six « Human Centipede », « Visitor Q » de Takashi Miike, ou encore un bon vieux « Mélancholie de l’ange » de notre cher Marian Dora.

Shintaro Kago nous réserve pour la seconde partie de Présence de corps étrangers, du méga sordide tout droit sorti de ses membranes cellulaires et de son hypophyse au travers de petites leçons d’histoires, fortement revisitées à sa sauce piquante.

On démarre ce petit tour récréatif  des sévices portés à son prochain avec une jeune fille considérée à tord comme sorcière, qui aura malencontreusement droit aux pires souffrances homologuées par ses propres amis dont un se démarque grâce à sa tête de chien. Bien entendu, aucun ne sait différencier la marque du Diable ou un simple grain de beauté. La pauvre endurera mille morts avant d’être noyée.

Marie-Antoinette n’étant pas en reste, se verra attribué un verset sur la guillotine. Enfin, des jeunes couples en plein désir ressentiront une explosion intérieure, les détruisant sur le champ dès la moindre pensée. (Un petit rappel de l’un des neufs enfers, pour lequel le Paradis constitue le pire d’entre eux, qui à la moindre mauvaise pensée, renvoie l’individu propulsé dans un des 8 autres enfers)

Bref, quelques récits, des mets fins de la dégradation en tout genre, resteront sous silence, afin que le lecteur toujours décidé à pénétrer le côté obscur, puisse les décortiquer à ses aises.

Pour juguler tant de dérives ensanglantées et destructrices, il était requis qu’une qualité graphique soit de la partie. De prime abords, on pourrait croire que le trait de son artiste se révèle être simpliste et bancal. Or, c’est justement avec cette énergie rudimentaire que les crayonnés de Shintaro trouvent tout leur sens. On ne sait jamais à l’avance sur quoi nos rétines risquent de tomber.

C’est la rencontre de Tetsuo (Shinya Tsukamoto), de « Las Vegas Parano » de Terry Gilliam avec Johnny Depp et Benicio Del Toro, ou encore « Where the Dead go to die » (fortement recommandé pauvres mortels si vous ne l’ayez pas encore vus !!)

Ovni à Cinq étoiles ! Shintaro Kago se veut être le maître moderne du Guro (ero-guro) ; exploration du déviant, du grotesque et de l’étrange. A vos marques, prenez place dans une autre dimension !

Coq de Combat