Retour sur la 44ème édition de Quai des Bulles

Ma dernière visite à Quai des Bulles remonte à 2017 ! 8 longues années de diète de bulles malouines, c’est bien long. Cette année, c’est avec une partie de l’équipe Belge de SambaBD que j’ai arpenté les allées du festival et surtout les belles expos.
Il y a toujours de belles expo à Quai des Bulles, et pour tous les goûts. Nous avons eu le privilège de bénéficier d’une visite guidée sur les 5 expositions présentées au Palais du Grand large, avec à chaque fois les commentaires des commissaires de chacune d’entre elle. Merci à Quai des Bulles pour ces instants et ces rencontres uniques.
Rencontre unique, il y en eut une belle. Lors de la visite de l’expo Franquin, nous voyons soudainement et discrètement apparaitre derrière nous, un vieil homme barbu qui s’avance, un grand sourire aux lèvres. C’était Jean-Claude Fournier, disciple puis successeur de Franquin sur Spirou. Un grand nom de la BD !

©quai des bulles-2025
Voici un petit un petit tour d’horizon sur ces belles expositions.
La mine de plomb de Franquin

On ne présente plus le maître belge de l’école de Marcinelle et de la maison Dupuis, qui, avec Spirou, à embarqué dans des aventures folles des générations de lecteurs et fait rire les mêmes générations avec les bêtises de Gaston Lagaffe. Cet humour et cette légèreté n’étaient que la face visible de Franquin, qui, saturé de travail, a sombré dans la dépression. Il a transformé ça en humour noir en publiant les Idées Noires.
On voit dans cette expo les prémices de ces idées noires apparaître dans Gaston, Spirou et Modeste et Pompon. Déjà, de ci de là, apparaissent des silhouettes noires, des scènes un peu moins enjouées ou des personnages dépressifs.
C’est dans le trombone Illustré que paraît la première idée noire. Puis, après 30 numéros, Gotlib a su convaincre Franquin de rejoindre l’équipe de Fluide Glacial où il y est resté 7 ans.

Ça n’est pas tous les jours qu’on peut voir des originaux de Franquin, et je dois dire que ça vaut le déplacement. On a beau être amateur averti et connaître les gags par cœur, mais quand on voit les originaux, l’œuvre prend une autre dimension et surtout on la voie différemment. Il faut voir le travail ! Tout est fait au trait à la plume. Il n’y a aucun aplats. C’est à dire que toutes les masses noires sont faites par une accumulation, superposition, croisement de milliers de traits ou de points. C’est tellement précis que certains détails sont quasiment impossibles à reproduire lors de l’impression.

Cette expo à rendu un vibrant hommage à Franquin et son talent unique, qui, avec cette œuvre sombre, produisait pour la première fois quelque chose qui venait entièrement de lui.
Plus de Franquin, ici : https://public.joomeo.com/albums/690136a29c66d
Sylvain Vallée
Maître de la narration et conteur de l’humain

Depuis son premier album publié en 1997, l’Écrin (éd. Le Cycliste), Sylvain Vallée n’a publié que des séries à succès. Révélé au grand public avec la série Gil St André dont Jean Charles Kraehn lui à transmis le dessin sur les tomes 3 à 8, il se pose aujourd’hui comme une valeur sûre de la BD au style dit classique. Avec un trait expressif, dynamique et un sens inné de la mise en scène, du découpage et du cadrage, les histoires dessinées par Sylvain Vallée prennent une dimension hors normes. Quand en plus son talent est associé à de grands scénaristes, alors on est sûr de passer un excellent moment de lecture.
Dans cette expo de planches originales, on découvre toute l’œuvre de Sylvain. De Gil St André à Habemus Bastad en passant par Il était une fois en France, Katanga, Tananarive, et le tome 7 de XIII mystery.
Encore une fois, les planches originales, en grand format et en noir et blanc, permettent d’apprécier pleinement la qualité du dessin et du trait.

L’expo donne la part belle à l’œuvre majeure pour Sylvain, l’album Tananarive écrite par Marc Eacersall. Une histoire dans laquelle il se retrouve par certains aspects, comme nous l’explique Antoane, concepteur de l’expo : « pour Sylvain, le petit vieux dans ses pantoufles, c’est son père qui a une vie paisible et pas rock du tout et Joe, l’autre c’est le frère de sa mère avec qui il a fait toutes les conneries possibles et imaginables quand il avait huit ans. Piquer des bonbecs pendant qu’il distrayait la boulangère, rouler en bagnole, c’est le tonton qui roulait, mais il avait baissé le siège, puis c’était Sylvain qui était au volant pour passer devant des gens, à huit ou neuf ans c’est un gamin de 8 ans qui conduit la bagnole, la femme s’appelle Françoise comme sa propre mère …. alors il se dit « c’est pas possible, y a un alignement des astres qui fait croire des trucs surréalistes, c’est improbable cette histoire ».

pour en voir plus, c’est par ici : https://public.joomeo.com/albums/6905370e554d4
Tony Valente
le phénomène Radiant

Radiant, c’est LE phénomène Manga français du moment. 19 tomes parus depuis 2013, tous réalisés par Tony Valente au scénario et au dessin. C’est en visitant une expo consacrée à OnePiece, alors qu’il était un tout jeune auteur de BD, qu’il a eu la révélation. C’est du manga qu’il vaut faire, du vrai, comme les japonais.
Le succès est là, plus d’un million de vente en France, traduit dans 20 pays et même au Japon puis adapté en anime par la chaine Japonaise NHK. La consécration !
Faire une expo de manga japonais est très compliqué, comme nous l’a expliqué Christopher Lannes, co-concepteur de l’expo. Sans empiéter sur les nombreuses conventions manga, Quai des Bulles l’intègre petit à petit dans son programme lui donnant chaque année un peu plus de place. Quoi de plus naturel alors, que cette expo d’un manga français pour attirer les fans et faire découvrir ce format aux lecteurs de BD classiques, comme nous l’a précisé Christopher : « On a voulu faire une expo accessible aux gens qui connaissent pas du tout le manga ».
Mission accomplie avec brio. Les 3 années de patience avant de pouvoir monter cette expo ont été fructueuses, offrant une belle galerie d’originaux au grand public. Oui, les planches sont belles, incroyablement ! Le trait de Tony est d’une finesse et d’une précision incroyable, nous rappelant que le manga ça n’est pas que de l’industrie mais aussi du vrai travail d’artiste.

par ici pour voir toute l’expo : https://public.joomeo.com/albums/6905393065b36
Sixtine Dano
Sybilline

Sybilline, c’est l’album phénomène de l’année. Sixtine Dano fait là sa première incursion dans le monde de la BD. Elle vient de l’animation, et ça se voit dans ses planches. Rien n’est figé, les attitudes et mouvements des personnages sont tellement réalistes qu’on les verrait presque s’animer sous nos yeux. C’est bluffant. Le trait est pur, limpide, d’une simplicité déconcertante et d’une efficacité redoutable.
L’idée de cette expo vient de l’auteur Fred Zanzim, qui a repéré cet album à Angoulême et voulait le mettre en avant. Il en parle autour de lui, une équipe se monte avec Franck Bouétard et Xavier Lemaire, éclairagiste. D’emblée ils se mettent d’accord pour monter une expo « pas comme les autres ». Des planches originales il y en aura bien sûr, une petite vingtaine, mais l’accent sera mis sur l’ambiance et la scénographie régulée par l’éclairage.
Le sujet de l’album est dur – la prostitution dans le milieu étudiant – mais il est traité avec pudeur, ce qui est parfaitement retranscrit dans l’expo. « On voulait reproduire cette douceur qu’il y a dans l’œuvre et donc du coup la difficulté numéro un c’était de trouver un éclairage et des accroches qui ne soient pas agressifs. ». Ça marche et ça match. On suit l’évolution de l’album au rythme d’un spot rose qui balaye les planches exposées. Chaque passage sur une planche renvoie une image projetée sur une structure au centre de la pièce, représentant la chambre d’étudiante. Ainsi, le regard se promène des planches exposées à leurs prolongations projetées. Il y a un côté un peu magique et féérique dans cette expo, aux antipodes du sujet de l’album, qui donne vraiment envie de lire l’album.

Un peu plus par ici : https://public.joomeo.com/albums/69053bfbceec0
Léa Mazé
Fragments d’un univers sensible

On termine sur un ton plus léger et on change d’ambiance en rentrant dans l’univers de Léa Mazé. Un univers sensible, délicat, poétique, touchant. Une pointe de douceur dans un monde chaotique et brutal, qui invite à la flânerie et au rêve. Léa Mazé est illustratrice, dessinatrice, sculptrice, céramiste, elle touche un peu à tout et surtout elle nous embarque dans son monde où se mélangent imaginaire, enfance, innocence, mystères et nature. Elle aime les cimetières, nous a-t-elle dit. Non pas par un aspect morbide mais pour le calme, l’apaisement et le mystère qu’ils incarnent. C’est d’ailleurs le thème de sa série phare, Les Croques (3 albums – les éditions de la gouttière) qui parle de deux enfants qui vivent dans un cimetière, puisque leurs parents sont croque morts. Ils vont mener une petite enquête, parce qu’il y a un truc bizarre dans une tombe…
Anne des Prairies, scénographe et plasticienne, à mis en scène et en volume le monde de Léa Mazé avec délicatesse et créativité. Une scénographie qui intrigue, qui attire l’œil, qui donne envie d’en voir plus et de lire les livres. C’est un peu le but des expo, aussi. Les planches, elle les accroches, mais pas forcément les planches finales. Elle aime montrer le travail en amont, les crayonnés, les travaux préparatoires, pour montrer comment se fait une BD, que c’est accessible, qu’il faut parfois explorer des pistes, essayer des choses. Il faut montrer les coulisses, l’envers du décor et voir un petit peu les process de fabrication pour essayer d’inspirer les jeunes dans les écoles d’art.
Quant à Léa Mazé, il faut jeter un œil sur son œuvre reposante, et se laisser emporter par son imaginaire qui se joue un peu des codes et des cases, comme en son temps un certain Fred le faisait avec Philémon.

En voir un peu plus de l’univers de Léa : https://public.joomeo.com/albums/69053d6ce2da2
Rendez-vous l’année prochaine pour de nouvelles aventures à Quai des Bulles, en espérant que ces petits compte-rendus vous donnent envie d’y faire un tour.
Loubrun

Oh que ça fait envie. Dommage qu’une fois de plus mon horaire au boulot ne me permet pas d’y être. J’espère l’année prochaine. Merci Bruno pour ce joli reportage !
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Oui, j’espère que tu pourras venir l’année prochaine. ça sera début octobre. la date sera avancée pour cause de Route du Rhum fin octobre.
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