Mon année d’exploration du poil féminin
Scénario et dessin : Lili SOHN
Editeur : CASTERMAN
248 pages – relié
Parution : 5 mars 2025
Genre : autobiographie
Après Vagin Tonic et Mamas, Lili Sohn enquête sur le rapport des femmes – et le sien ! – à leur pilosité
Lili Sohn s’épile depuis ses 12 ans. Systématiquement. Mollets, cuisses, maillot, aisselles, doigts de pied, sourcils, moustache. Avec un rasoir, de la crème dépilatoire ou de la cire. Elle a même pris un abonnement dans une chaîne d’institut de beauté spécialisée en épilation. Depuis ses 12 ans, elle se fait mal, vérifie, contrôle, se contraint à la discipline de l’épilation. Elle observe et juge ses consoeurs, jusqu’au jour où elle décide de s’interroger sur les raisons pour lesquelles ce poil, selon qu’il se trouve sur le corps d’une femme ou celui d’un homme est-il considéré comme dégoûtant ou comme viril.

Démarche de déconstruction des normes féminines contemporaines, cette bande dessinée va bien au delà du simple témoignage personnel. Elle se pose comme une réflexion à la fois profonde et parfaitement documentée sur les injonctions sociétales qui pèsent sur le corps des femmes, questionnant avec audace et humour l’un des tabous les plus tenaces de notre époque.
Aurélie Sohn, dite Lili Sohn, née le 29 août 1984 à Strasbourg, s’est imposée comme une figure marquante de la bande dessinée féministe contemporaine. Son œuvre, construite autour de La Guerre des tétons et poursuivie avec Vagin Tonic, Mamas et Partir : sur les chemins de Compostelle (2022), révèle une cohérence sans faille. Elle interroge les codes de la féminité à travers l’expérience vécue tout en alliant engagement personnel et performance artistique.

Nos poils naît d’une démarche expérimentale plutôt radicale : Lili Sohn, qui s’épile « systématiquement » depuis l’âge de 12 ans décide de suspendre cette pratique pendant une année entière. Cette expérience, inspirée par les mouvements Januhairy et MaiPoils, vise à déconstruire ce qu’elle nomme « la dictature du glabre féminin ».
L’autrice confie avoir été marquée par sa chimiothérapie dix ans auparavant, période pendant laquelle elle avait ressenti un « soulagement » de ne plus avoir de poils, révélateur selon elle de l’intériorisation des normes sociales. Cette prise de conscience, conjuguée à une réflexion sur « le coût, le temps, la douleur » de l’épilation, l’amène à questionner fondamentalement ses pratiques corporelles.
L’originalité de Nos poils réside dans sa structure narrative qui entrecroise plusieurs niveaux d’analyse. L’ouvrage alterne entre journal intime de l’expérience personnelle de l’autrice et enquête documentée sur l’histoire culturelle de l’épilation féminine. Lili Sohn mobilise des références historiques remontant à l’Antiquité, des témoignages contemporains, et des données sociologiques pour contextualiser son expérience. Cette approche méthodologique permet à l’autrice d’éviter l’écueil du témoignage purement anecdotique.
Nos poils s’appuie sur une solide documentation historique pour démontrer que l’épilation féminine n’a rien de « naturel ». L’ouvrage retrace l’évolution de ces pratiques depuis l’Égypte antique, où l’épilation intégrale était ritualisée pour des raisons de pureté religieuse, jusqu’aux mouvements de libération contemporains. L’autrice souligne particulièrement l’accélération du phénomène au XXe siècle : l’apparition des premiers rasoirs féminins dans les années 1920, concomitante avec le raccourcissement des robes, puis la systématisation de l’épilation dans les années 1970. Elle interroge également l’influence de l’industrie pornographique moderne dans la normalisation de l’épilation intégrale.
Son style reconnaissable, aux couleurs fluorescentes caractéristiques, flashe avec sa couverture, directement marquante; L’autrice s’est représentée en sous-vêtements roses sur fond vert fluorescent, assumant pleinement sa pilosité visible. Cette esthétique pop et décomplexée permet d’aborder un sujet sérieux avec légèreté.
Il faut saluer le courage de la démarche, la qualité de la documentation historique et la remise en question de nos préjugés, nos croyances, vis à vis de ce qu’on considère comme joli ou vilain, comme propre ou sale, quand on parle du corps féminin.

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SKIPPY

Ah les normes sociétales, pas facile de s’en défaire ….
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j’aime bien cette autrice ❤️
tout en authenticité et humour.
j’avais lu « vagin tonic » et « mamas » d’elle. Super intéressant aussi
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une chronique au poil !
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