L’abîme de l’oubli

Scénario : Paco Roca et Rodrigo Terrasa
Dessin : Paco Roca
Éditeur : Delcourt
296 pages
Date de sortie : 22 janvier 2025
Genre : Roman graphique

« Votre honneur… Il m’importe peu de savoir si l’accusé est oui ou non responsable des charges qui pèsent contre lui. »

Présentation de l’éditeur

Un récit poignant réalisé par Paco Roca et Rodrigo Terrasa dans l’espoir de permette aux dizaines de milliers de victimes du régime franquiste de sortir de l’oubli auquel leurs bourreaux les avaient sciemment condamnés.


Le 14 septembre 1940, 532 jours après la fin de la guerre civile espagnole, José Celda est fusillé par le régime franquiste et enterré dans une fosse commune avec onze autres hommes. 70 ans plus tard, sa fille, âgée de huit ans au moment des faits, parvient à localiser sa dépouille… Les auteurs accompagnent Pepica Celda dans son parcours douloureux au coeur d’une nation qui a choisi l’oubli.

Mon avis

Aaaaaah !!! Encore un coup de coeur pour les BD parues en ce début 2025… Après L’Enfantôme chez Glénat, voici une BD que l’on pourrait facilement qualifier d’utilité publique, et pas seulement en Espagne. En ces temps actuels assez troublés, qui nous rappellent un peu trop les années 30 par le côté nauséabond de certaines idées qui reviennent au goût du jour, je trouve qu’il est assez sain de montrer le sort réservé à leurs congénères par ceux qui pronaient alors des idées similaires, y compris en temps de paix, allant même, notamment, jusqu’à essayer d’effacer totalement la mémoire de l’existence des individus qu’ils exécutaient.

Il s’agit donc de l’histoire de ce fossoyeur, Leoncio Badia, un républicain (de gauche, donc, dans la guerre civile espagnole) ayant miraculeusement échappé à la peine de mort, et que l’on oblige à enterrer « les siens », les prisonniers dénoncés APRES la fin du conflit, « jugés » et exécutés par la dictature Franquiste. Mais Leoncio prend des risques pour essayer de garder une trace des gens qu’ils enterre dans les fosses communes du cimetière de Paterna afin de pouvoir aider les familles à récupérer et enterrer dignement les corps de leurs proches quand la situation le permettra. Et c’est à travers l’histoire de ce héros que les auteurs abordent le sujet encore très épineux dans l’Espagne d’aujourd’hui des victimes civiles de la dictature. Il faut dire que les mesures des gouvernements de Gauche visant à faciliter les recherches par les familles se heurtent aux annulations de lois et autre contre-mesures ou simples blocages administratifs quand les héritiers de Franco reviennent au pouvoir par le jeu démocratique.

Le récit s’appuie également sur l’histoire de José Celda, exécuté en 1940 après une parodie de jugement sur simple dénonciation d’un voisin Franquiste, et enterré par le fameux Leoncio. Et c’est à travers la parole des filles respectives de ces deux protagonistes, Pepica Celda et Maruja Badia, que les auteurs nous permettent de remonter le temps et toucher un peu du doigt l’immense humanité de ces hommes dignes et courageux.

Le travail d’investigation journalistique est impeccable et la narration s’en ressent. Le dessin est sobre, simple et efficace. C’est une magnifique BD. Accessoirement, l’image suivante, de l’exécution de José Celda, prend tout son sens une fois que l’on a lu la BD. C’est donc ce que je vous invite à faire sans plus tarder !

ScénarioDessinico_Album
coeur_cinq coeur_trois_et_demi coeur_cinq

Odradek

2 commentaires sur “L’abîme de l’oubli

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  1. Le meurtre de José Celda est similaire à celui de mon grand-père maternel. Chef du parti socialiste de Saragosse, il fut dénoncé par un voisin alors que, clandestin, il rendait visite à sa famille et fut emmené par la garde civile sous les yeux de sa femme et ses enfants (dont ma mère, gamine). Fusillé, on n’a retrouvé la fosse commune où il reposait que récemment.

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