Shubeik Lubeik : vos désirs sont des ordres

Autrice : Deena Mohamed
Éditeur : Steinkis
527 pages
Date de sortie : 6 juin 2024
Genre : roman graphique, société, fantastique

« Qui voudrait acheter des vœux de première classe dans un kiosque maudit en plus ? Ceux qui auraient pu prendre le risque ont peur après ce qui est arrivé à Aziza. »

Présentation de l’éditeur :

Dans Le Caire contemporain, les vœux sont devenus une marchandise comme les autres et font partie du quotidien des habitants. Répartis en différentes catégories, leurs usages sont réglementés et les citoyens apprennent, parfois à leurs dépens, qu’il faut les manipuler avec précaution.

Trois vœux vendus dans un modeste kiosque du Caire lient Aziza, Nour et Shokry et changeront leur vie. Ils ont tous un désir profond, mais pour formuler leur vœu, chacun doit se demander ce qu’il désire vraiment et plonger au plus profond de son être. Ils s’apercevront que parfois, les désirs font désordre…

Mon avis :

Nommé aux Eisner Awards 2024 dans la catégorie “meilleur album international” (rien que ça !!), “Shubeik Lubeik” est une allégorie de l’Égypte contemporaine, depuis le début du XX^e siècle. Un sacré pavé à lire, mais relativement fluide, si on fait abstraction des interludes didactiques de ce monde uchronique.

On y suit le parcours, principalement, de trois individus à commencer par Aziza. Elle a toujours été poursuivie par la malchance, sauf peut-être en amour. Son mari était un éternel optimiste, persuadé qu’un jour, il obtiendrait une Mercedes Classe E grâce à un vœu bas de gamme (les seuls accessibles à la classe inférieure de la population). Mais quand ce dernier mourut, laissant une épouse éplorée, Aziza fit tout pour réaliser son rêve… ce qui deviendra un cauchemar pour elle, dans les méandres de l’administration et de la justice (carcérale) égyptienne.

Nour est, quant à lui, un jeune étudiant issue d’une bonne famille, mais malheureusement en dépression. L’obtention de son vœu de 1ère classe sera source de questionnement personnel. De même pour Shokry dont la religion lui interdit l’utilisation des vœux, alors qu’il est détenteur de trois d’entre eux.

Avec des flash-back et des pensées profondes, Deena Mohamed invite le lecteur à l’introspection. Que ferions-nous avec un vœu capable de tout, mais soumis à une réglementation internationale ? Pas de résurrection pour des questions éthiques, la paix dans le monde nécessiterait un vœu sacrément puissant (visiblement inexistant vu qu’aucun souhait n’a été fait dans ce sens...) et qu’en est-il des Djinn (les génies) qui exaucent les vœux ? Et s’ils étaient des êtres sensibles comme vous et moi ? (ça ne vous rappelle pas les questionnement sur les animaux, ça ?).

Avec un style graphique tantôt contemporain, tantôt vintage ; partiellement coloré, partiellement en noir et blanc, l’autrice ne ménage pas ses efforts pour retranscrire les décors et les expressions de chacun, les émotions et les états d’âmes. Au point que finalement, ces 527 pages se lisent facilement. Même en le faisant dans le sens original de lecture : parce qu’en Égypte, comme au Japon, on lit de droite à gauche… de ce qui serait pour nous la fin jusqu’au début du livre.

Du coup, bonne chance à Deena Mohamed pour les Awards !!

ShayHlyn.