Scénario : Simon Lamouret
Dessin : Simon Lamouret
Éditeur : Sarbacane
Date de sortie : 7 février 2024
240 pages
Genre : Chronique sociale
« Élise songe avec ironie à quel point un mort peut être encombrant, un disparu présent. »
Présentation de l’éditeur
Vente domaniale pour cause de succession vacante. Dépendance de maison de maître, début XIXe. Mise à prix : 15 000 euros. » Il n’en faut pas plus à Élise, quadragénaire citadine, workoholic, mère tout nouvellement célibataire, que cette annonce lapidaire pour sauter le pas. C’est décidé, elle quitte tout, la capitale et son emploi de cadre pour s’installer avec son fils, Antoine, à la campagne. Sur place, elle déchante : il faut débarrasser toutes les affaires de l’ancien propriétaire défunt qui se dresse comme un obstacle entre sa nouvelle vie et elle. Elle appelle en renfort ses parents, Philippe et Rachel, jeunes retraités. Chacun se met au travail et, à travers les objets dont ils vident les pièces, le portrait de l’ancien propriétaire se dessine. D’abord mal à l’aise avec cette intrusion dans l’intimité de l’inconnu, les membres de la famille se laissent peu à peu aller à la curiosité et au fantasme… Si on en croit sa correspondance amoureuse, c’était un coureur de jupons, selon Élise. Plutôt un peintre accompli pour Rachel, qui a manqué sa vocation artistique. Un voyageur libre, pour Philippe. Un aventurier, chasseur de fauve pour le petit Antoine… Vite, chacun projette un peu de lui-même dans cet homme et dans ce qu’ils s’imaginent avoir été sa vie.

Mon avis
Simon Lamouret a mis trois années pour créer ce roman graphique peu commun. La couverture attire à coup sûr le regard avec son jaune « pète » dans laquelle est découpée une silhouette. Ouvrez-la, la même silhouette se retrouve dans la salle à manger d’une maison qui est au centre de l’intrigue.
Les couleurs sont saturées, le style est naïf, les décors sont détaillés, chaque vignette, chaque planche devenant peinture. La forme est un élément narratif à part entière qui fait plus que mettre en image le fonds d’une histoire qui se révèle bien moins simpliste qu’elle ne peut apparaître au premier abord.
Chacun des personnages va, à son rythme et avec sa vision, s’accaparer les lieux, les objets et imaginer la vie de cet homme énigmatique, cet homme miroir qui renvoie au passé, au présent et au futur de chacun. Le mystère sur son identité devient multiple, les souvenirs, réels et fantasmés de succèdent sans qu’on s’y perde, les enchainements étant fluides et chaque personnage ayant une typographie différente.
Les choses de la maison, les tableaux en particulier, permettent de fouiller la psychologie des personnages, et des générations qu’elles représentent. L’ancien propriétaire des lieux obsède et renvoie aux angoisses, au doutes, à la nostalgie et aux espérances de chacun.
L’Homme Miroir multiplie les (fausses) pistes, invite à la réflexion sur son propre rapport aux lieux, aux objets, et au personnes connus et inconnus. L’auteur, lui, semble s’amuser avec le lecteur tant sur le fonds que sur la forme. Des queer codes donnent accès à une b.o composée de 4 morceaux dont les textes ont été écrits par Simon Lamouret. Le style est là aussi bien chargé, avec ses sonorités eighties Bontempi, mais travaillé (avec des chœurs) et dont le sens des paroles invite à une nouvelle écoute.
Un univers très personnel à la fois parfaitement construit et totalement décalé créé par un auteur diplômé aux Beaux-arts et aux Arts déco qui en refroidira certains mais qui a su pour ma part attiser ma curiosité jusqu’à la dernière page.
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Petitgolem13




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