Auteur : Junji Ito
Editeur : Delcourt / Tonkam
Genre : Horreur
Sortie : le 30 août 2023
Avis de l’éditeur :
Le professeur Oguro découvre une planète inconnue apparue soudainement par un trou de ver et la baptise « Rémina » du prénom de sa fille unique. Sa trouvaille est applaudie partout dans le monde, et sa fille devient du jour au lendemain l’idole des foules… mais la planète Rémina avale les autres planètes les unes après les autres et menace maintenant notre globe !
Mon avis :
Toutes deux se nomment Remina. La 1ère étant cette mystérieuse planète issue d’on ne sait quoi, reconnue et étiquetée par le professeur Oguro, une sommité du monde scientifique. La 2ème incarnant sa propre fille, âgée tout juste de 16 ans, une adolescente discrète, sensible, n’ayant finalement rien demandé de ce qui lui adviendra.
De suite, la population japonaise va l’idolâtrer, davantage pour sa beauté, voire son côté chaste, ce qui aura de quoi motiver de nombreux aspirants à se rapprocher d’elle. Placée sur un piédestal, sa chute expéditive n’en sera que plus déconcertante ; car du jour au lendemain, la plèbe s’envenime à traquer père et fille, persuadés béatement être la cause profonde de leur future perte. Car oui, la planète Remina se rapproche à grand pas, proche de la vitesse de la lumière, et engloutit sur son passage, en l’occurrence chaque planète du système solaire. Mars, Neptune, Pluton sont détrônées, aspirées, désintégrées telles des fétus de paille.
Les éditions Delcourt / Tonkam persévèrent sur leur lancée en nous proposant à nouveau un titre phare de la bibliographie de Junji Ito. Comme à son accoutumée, l’artiste déploie de l’énergie boulimique à foison, à la frontière du survival et du genre horrifique, maîtrisé de main de maître, comme le témoigne la précision clinique de ce titre.
L’auteur de Spirale, Gyo, L’Ecole décomposée ou encore Fragments d’Horreur, partage ses récits horrifiques, ses démons intérieurs de manière si subtile qu’il imprègne une aura cosmique au travers de ses œuvres. Quant au concept de Remina, celui-ci repose sur les bases du christianisme avec non seulement les croix grandeur nature destinées aux martyrs Remina et son père ainsi que l’œil vengeur, associé à la planète qui semble vouloir étouffer l’Humanité.

L’auteur joue sur différents tableaux, parachutant d’une traite le statut émotionnel de ses figurants vers un autre état de sensibilité. Il n’est pas rare de contempler la passion et la joie d’un protagoniste qui l’instant d’après, découle vers une souffrance troublante. L’une des forces d’Ito consiste justement en cet assemblage de pièces détachées, raccordées les unes aux autres, imbriquées en fonction de leur utilité et leur fonction.
Il étaye ainsi la symbolique du pêché de l’Humanité et en quelque sorte son éventuelle rédemption qui justifierait les sacrifices de la jeune fille vierge et du père quelque part absent sur le plan familial, de loin trop préoccupé par son ambition scientifique.
Il en est de même pour les personnages antagonistes, dépeints de manière minimaliste sur le plan émotionnel : la foule agissant avec mépris, organisée uniquement à sauver « sa petite vie », souvent sans la moindre saveur, mais portée par une énergie furtive à défendre son os, qu’importe le crime occasionné.
Comme c’est généralement le cas, Ito se consacre à détailler la souffrance vécue par ses protagonistes, par le biais de séquences de tortures explicites, tourments de l’esprit et du corps, allégorie de l’âme et de l’anatomie, vexés par un quotidien méprisable ou qui les dépassent. Le corps et l’esprit ne font certes qu’un mais endommagent de manière complice le lien tissant les deux, si bien que la réprimande, et la personne tourmentée, passera inéluctablement vers cette ouverture, une version remaniée de l’individu, transformée vers une autre condition. (L’effet limace dans Spirale …)
Ajoutons à cela un code graphique, marque de fabrique de l’artisan, toujours aussi radical qu’exceptionnel, un trait d’un encrage ultra épais, une dynamique omniprésente ainsi qu’un découpage varié et surtout des phylactères suffisamment larges qu’on puisse les distinguer sans l’aide d’un monocle comme certains mangas sont présentés.
Que dire de plus, si ce n’est de vous précipiter vers cet ouvrage, qui comblera vos attentes vers le chaos inter-dimensionnel, suscitera quelques fragments d’interrogation quant à un éventuel trou béant venu de l’autre bout du système solaire, uniquement pour nous dévorer. Vivement tout cela, en effet !
Coq de Combat


Une aura cosmique va donc mettre ce manga dans tes coups de coeur !
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Il nous faudra se dépêcher de le lire avant d’être exterminés !😱
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Effectivement, cela a l’air terrifiant !
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